Chapitre 2 : Le secret de la chambre froide

À ces mots, le ténébreux se redressa. Il confia son prisonnier à la surveillance de Penguin tandis qu’il rejoignait Shachi devant la paroi de métal. Dans un froncement de sourcils, il examina la surface métallique. Les gonds gigantesques confirmaient les soupçons d’une pièce annexe. Toutefois, l’interrogation demeurait. Que renfermait cette pièce ? Était-ce à ce point dangereux que cela nécessitait une sécurité hors norme ?
"À votre avis, capitaine, y a quoi dedans ? s’enquit Shachi en coulant un regard vers son supérieur.
Ce qu’il y avait à l’intérieur ? Bonne question dont la réponse ne tarderait point à lui être apportée. D’un mouvement souple, il se détourna et rejoignit le duo. Sans une once de douceur, il agrippa le chercheur par le col et le traîna jusqu’à la porte close. Là, il le questionna d’un ton rude et menaçant. Le doute quant à son destin n’était pas un mystère : s’il ne déliait pas sa langue, il mourrait.
– Y a aussi ça, capitaine. D’après les différents comptes rendus, Œil de Faucon viendrait ici tous les mois pour des prélèvements.
À cette information, le chirurgien de la mort fronça les sourcils et pivota vers le scientifique apeuré. Il s’apprêtait à le questionner plus avant lorsque son subordonné ajouta :
– Et derrière cette porte se trouve, apparemment, le projet XZ3110.
Projet ? Prélèvements ? Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Sa curiosité atteignait des sommets affolants tant et si bien qu’il amena ses prunelles orageuses sur celui pouvant lui fournir les éclaircissements nécessaires.
D’un mouvement vif et rude, il le saisit à la gorge et le souleva de terre à la seule force de son bras. Les jambes de sa victime se balançaient dans le vide tandis que ses doigts se refermaient sur le poignet du pirate. Le souffle court, incapable de se dégager de la poigne de l’ennemi, l’homme rendit les armes.
Aussitôt, satisfait, Trafalgar le laissa retomber tel un vulgaire sac de détritus à même le sol. Il toussota, se racla la gorge plusieurs fois tout en la tenant d’une main tremblante. Les larmes aux yeux, il demeura ainsi plusieurs secondes avant d’aviser de la paire de bottes. Nul besoin d’amener son regard sur l’individu pour découvrir l’identité de leur propriétaire.
– Ouvrez cette porte.
Le ténébreux agrémenta cet ordre d’un signe de tête à l’égard de ses hommes qui sans perdre une seconde s’approchèrent et forcèrent le scientifique à se remettre sur ses jambes. Or, il se dégagea d’un geste brusque et rejoignit, de lui-même, la grande console de commandes. Il passa son badge sur un cadran ce qui révéla un bouton dissimulé dans une trappe. Il tendit les doigts, se figea. Agacé par son inaction, Penguin actionna lui-même ce dernier. Instantanément, un bruit sourd ainsi que des mécanismes se mirent en branle tandis que les deux pans d’acier trempé d’une épaisseur de vingt centimètres pivotèrent sur leurs gonds.
Aussitôt une vague de froid envahit la pièce. Une chambre froide ?! En soi, se disait Trafalgar Law, ce n’était guère surprenant. Dans un laboratoire, il fallait après tout, un moyen de conserver les échantillons divers. Néanmoins, une pièce d’une telle ampleur le sidérait malgré tout.
Et tandis que Penguin ligotait leur prisonnier, le ténébreux pénétra dans la salle frigorifique. À son entrée, le système d’éclairage s’enclencha automatiquement. Une fine couche de glace recouvrait les murs et le sol. Il avança encore pour réaliser avec stupeur que la chambre froide était vide à l’exception d’un lit métallique au centre.
D’un pas lent, le criminel s’approcha pour découvrir ce que le gouvernement cachait en ce lieu top secret à l’abri des regards du peuple.
Le chirurgien de la mort s’attendait, certes, à tout. Mais, assurément pas à cela. Non, jamais dans ses idées les plus folles, il n’aurait imaginé que ce que les hauts dirigeants mondiaux tramaient se résumait à une femme.
Allongée, inerte sur le lit médical, elle respirait comme en témoignait le respirateur auquel elle était reliée. Son rythme cardiaque demeurait très bas. Néanmoins, il soupçonnait que ce point était volontaire. Pourquoi ? Il l’ignorait encore.
Une fine couche de givre recouvrait le grain de sa peau diaphane. À la voir ainsi, on jurerait qu'il ne s'agissait que d'un amas de chair dépourvu de l'étincelle de vie. Ses lèvres délicates d'une teinte rose ressortaient dans la pâleur de ses traits. Ses longs cheveux blancs entouraient telle une corolle de fleur, un visage à l'ovale parfait. Il ne lui donnait guère plus de vingt ans.
Affublée d'une blouse médicale, le haut de son anatomie restait à l'abri des regards. Ce ne fut qu'à ce moment qu'il remarqua les sangles. Dans un froncement de sourcils, le pirate s'interrogea sur les motivations de ces hommes. Pourquoi le gouvernement mondial gardait-il cette jeune femme enfermée ? Dans les agissements des hautes sphères, cela demeurait des plus étranges. À une cellule traditionnelle, on lui avait attribué une chambre froide. Détails suspicieux, mais forts intéressants, se dit-il intérieurement. Après tout, leurs actes démontraient avant toute chose un besoin vital de la séquestrer dans l'anonymat. Or, elle devait bien manquer à quelqu'un. Une famille, des amis guettaient son retour, quelque part dans le vaste monde. Quoique... à bien y réfléchir, se corrigea-t-il, peut-être que la solitude l'attendrait dehors.
Aucun humain ne pouvait survivre dans pareilles conditions, même sous surveillance médicale et sur le long terme. Mais, même si elle n'était pas de leur espèce, méritait-elle pour autant d'être ainsi traitée ? Non ! fut sa conclusion. Sans perdre une seconde de plus, il la libéra de ses entraves et la débrancha des divers appareils. Il la dévisagea quelques instants dans un silence quasi religieux. Puis, il la souleva et l'emporta dans la pièce voisine.
– Non..., geignit le chercheur en le voyant revenir avec son fardeau. Elle est dangereuse. Vous ne devriez pas l'emmener, elle va détruire le monde. Elle n'est que chaos. C'est... le chaos personnifié...
Il pleurnichait, peignait un portrait bien lugubre de celle qu'il appelait XZ3110. Or, stoïque, Law regarda l'homme un sourire en coin. Sans l'once d'une hésitation, il lui confia que la destruction de ce monde chaotique et corrompu était justement ce à quoi il aspirait. Puis, il pivota vers ses subordonnés et leur enjoignit de subtiliser un maximum de données transportables dont le dossier de la jeune femme.
Et pendant que Penguin et Shachi regroupaient le plus de documents possible à leur portée, Trafalgar déposa son fardeau sur le sol. Là, il tâta son frêle poignet, chercha son pouls et nota qu'il reprenait, peu à peu, un rythme régulier. Il lui souleva les paupières pour aviser de ses pupilles et fronça les sourcils.
– Vous la mainteniez dans un coma artificiel ?
– Chaos ne doit pas reprendre connaissance. Vous ne savez pas ce que vous faites.
Non, il l'ignorait en effet. Toutefois, l'idée de contrecarrer les projets des têtes au sommet l'enchantait au-delà de toute espérance. Un sourire cruel se peignit sur ses traits alors qu'il rétorquait :
– Tant que j'emmerde le gouvernement, ça me convient.
À peine acheva-t-il cette phrase que les paupières de la captive tremblèrent. Curieux, il les vit se soulever pour révéler des prunelles d'un mauve profond et intense. Il demeura captif des deux améthystes le dévisageant comme dans un état second.
Impassible, il lui rendit son regard jusqu'à ce que l'un de ses hommes le rejoigne. Il portait, comme les autres, un sac dans lequel les documents aussi divers qu'intéressants avaient été glissés.
– On se casse. Rester plus longtemps pourrait nous être fatal, annonça le chirurgien de la mort.
La réponse de ses nakamas ne tarda pas de fuser suintante de soulagement. Il ramena alors ses prunelles argentées sur le problème réel : XZ3110. Il n'était point stupide. Dans son état actuel, elle ne pourrait point se mouvoir d'elle-même. Détail qui compliquait fortement les choses.
En effet, nul besoin d'être devin pour savoir que sortir avec un tel poids mort attirerait l'attention sur leur groupe, ce qui pourrait nuire à cette infiltration, mais aussi et surtout à leur propre vie. Néanmoins, il se refusait à la laisser derrière. Cette femme, il le pressentait, lui causerait bien des ennuis, mais sa libération paraissait également préjudiciable au gouvernement mondial. Et dans cette unique optique, il l'emmènerait. Quoiqu'il lui en coûte, il arracherait cette fille à ce laboratoire, à ses bourreaux.
- On fait comment pour elle, Capitaine ? s'enquit Penguin. Si on la porte, on va se faire remarquer illico.
– Nous n'avons pas le choix si nous voulons la sortir d'ici. Elle ne pourra pas tenir sur ses jambes.
Songeur, Law médita pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que Shachi suggéra de prendre une civière.
– Non. Nous attirerons trop l'attention des soldats.
Sans un mot, il se dressa, récupéra son nodachi qu'il confia à Penguin.
– Une égratignure et je te découpe en rondelle avec, et sans user de mon pouvoir. Suis-je clair ?
Livide, le jeune homme opina du chef. Il regrettait déjà l'honneur que lui faisait son supérieur. En temps normal, cette tâche incombait à Bepo.
Puis, il s'approcha du prisonnier et s'accroupit devant lui. Silencieux, le ténébreux joua avec son scalpel. Il roulait entre ses doigts. Après quelques secondes à admirer la peur sur le visage de son vis-à-vis, il apposa le tranchant de la lame sur le cou. Néanmoins, à aucun moment, il n'accentua la pression de son geste. Plutôt que de le tuer, une idée bien meilleure germa dans son esprit. Un sourire sardonique aux lèvres, il fit :
– Dis-leur que XZ3110 est avec Trafalgar Law et que si elle est la destruction personnifiée, j'en serai l'instigateur. Ce monde corrompu, je vais le balayer.
Une fois sa tirade achevée, Law fourra un pan de la blouse dans la bouche du scientifique, afin d'éviter qu'il ne donne l'alerte. Il vérifia la solidité des liens et retourna près de la blanche. Sans tergiverser plus longtemps, Trafalgar la souleva entre ses bras, la jeta négligemment sur son épaule et se dirigea vers la porte de sortie. Ses hommes, inquiets malgré la confiance qu'ils portaient à leur supérieur, le talonnaient.
Toutefois, contrairement à leur venue, le capitaine des Hearts usa de ses capacités exceptionnelles et les téléporta d'un point à un autre sans relâche. Il les enchaîna sans s'autoriser de pose. Il se doutait que s'il se permettait ne serait-ce qu'une minute de repos, les caméras les repéreraient et aussitôt tout se compliquerait. Il ne s'arrêterait, décida-t-il, que lorsqu'ils seraient à l'abri des escaméras et de tout danger potentiel.
Dix minutes plus tard, ils couraient malgré leur chargement dans le couloir menant au quai. La sortie se profilait à quelques mètres lorsque Law s'immobilisa. Il soupira et extirpa son mini-escargophone de l'une de ses poches et contacta son équipage.
– Nous arrivons, tenez-vous prêts.
– Mais, capitaine, on fait comment pour sortir ?
– Je m'en charge. Remontez sans vous approcher, je nous téléporterai sur le pont.
Puis, il interrompit la communication avant de reprendre sa course. Ils déboulaient sur le quai, le cœur battant, et le souffle court. Enfin ! Ils allaient pouvoir retrouver la sécurité du Polar Tang et fuir cet endroit avant que l'alerte ne soit donnée.
Sans s'arrêter, le groupe se ruait vers le bord. La semelle de leurs chaussures martelait frénétiquement le métal. Le bruit de leurs pas effrénés retentissait dans la cavité, se répercutait sur les parois internes.
Les prunelles argentées balayèrent le petit espace à la recherche d'un point jaune. Là ! Il le repéra et s'immobilisa au bord de la plateforme. Il ne leur restait plus qu'à embarquer et ils pourraient s'en aller.
Tout à coup, Trafalgar poussa avec violence ses hommes à terre. Ils roulèrent dans un même ensemble tandis que le corps de la jeune femme les imitait alors qu'une force colossale les frôla de justesse. L'assaut d'une puissance incommensurable frappa de plein fouet la paroi de roche. L'édifice trembla, des blocs de pierre se détachèrent et tombèrent tout autour d'eux. Face à pareil choc, l'hésitation ne fut plus possible. Si l'attaque qu'ils avaient esquivée les avait touchés, ils seraient sans l'ombre d'un doute : mort. Néanmoins, la brèche que le coup venait de créer offrait une bien belle porte de sortie au submersible des Hearts Pirates. Et autant dire que cette aubaine rasséréna Trafalgar. D'une roulade, Law se remit sur pieds et avisa de son opposant alors que son nodachi retrouvait comme par magie sa place dans sa main.
Ajouter un commentaire
Commentaires