Chapitre 1 : Infiltration

Ce n’était pas une île ordinaire contrairement aux apparences. Ni même un vulgaire caillou à la dérive comme il en existait par delà les océans. Non. Celui-ci était spécial et il suscitait bien de l’intérêt de la part d’un homme recherché par le gouvernement.
En effet, creusé à même la roche, un laboratoire secret y était dissimulé. Immense, gigantesque sans aucun autre pareil, il s’élevait sur plusieurs niveaux et ses couloirs, identiques aux fils d’une toile d’araignée serpentaient en tout sens.
Ce dernier appartenait aux dirigeants mondiaux et les allées et venues se révélaient fortement surveillées. Et à moins d’avoir un passe spécial, les portes demeuraient obstinément closes. Sans compter que seulement quelques élus connaissaient son emplacement. Autant dire que l’infiltration équivalait à une mission suicide. Pourtant, même cela ne dissuadait pas certains pirates.
Après avoir subtilisé des uniformes, les trois individus rejoignirent les rangs d’un navire du gouvernement. Le trio affublé de la tenue blanche et bleue des soldats guettait le moment opportun pour passer à l’action.
Tapis dans les recoins les plus sombres de la cale, ils se nourrissaient de quelques victuailles stockées dans des caisses diverses. Ces dernières visaient assurément à ravitailler la base secrète. Mais, cela leur importait peu puisqu’ils se contentaient de manger le minimum afin de ne pas éveiller les soupçons.
Deux semaines à se cacher, à se restreindre, ils profitaient de la nuit pour se dégourdir les jambes et prendre un peu l’air. L’obscurité aidait à dissimuler leur identité et ainsi éviter de se faire démasquer.
Et lorsqu’ils atteignirent le rocher, le soulagement et l’impatience les assaillirent. Ils attendirent patiemment que les mouettes entreprennent de se défaire de leur cargaison pour se joindre au groupe. Dans ces moments-là, personne ne remarquait trois hommes supplémentaires : la main-d’œuvre étant toujours une âme salutaire. C’était d’ailleurs, de cette même manière que les trois comparses étaient parvenus à monter sur le navire.
À la queue leu leu, ils suivirent la file les devançant une caisse chargée sur l’épaule. Leur progression s’avéra instructive et permit aux fouineurs de découvrir un peu les lieux.
Le bateau amarré dans un espace clos et à l’intérieur même de la montagne de pierre se révélait imposant. Il occupait en grande partie toute la place et n’autorisait pas à un second vaisseau de les rejoindre.
Divers allogènes fixés de part et d’autre des parois et au plafond fournissaient une nette visibilité dans le long couloir s’ouvrant devant eux. Ce corridor faisait bien dix mètres de long et cela sans qu’aucune porte ou intersection ne soit visible.
Après bien une marche stressante à redouter malgré tout de se faire repérer, ils parvinrent à un croisement. Les possibilités de trajets apparurent au nombre de trois : une voie sur la gauche, une à droite et une autre droit devant. Sans surprise, les soldats bifurquèrent sur la gauche, assurément là que ce trouvait les réserves. Or, ce n’était point à cet endroit qu’ils désiraient se rendre. Non. Leur projet était différent.
Malheureusement pour l’heure, ils devaient se conforter dans leur situation et suivre les autres. D’un pas leste, ils accompagnèrent le reste des marines jusqu’à une vaste pièce où les caisses et victuailles s’amoncelèrent au fur et à mesure que le temps passait.
D’un mouvement de tête, l’homme à la tête des voleurs indiqua un recoin plus à l’écart et où la lumière parvenait à peine. Sans discuter, les trois individus rejoignirent le lieu désigné et se déchargèrent de leur fardeau.
Immobile, les yeux rivés sur les tonneaux, Trafalgar Law jeta un rapide coup d’œil par-dessus son épaule et avisa de la position de chacun, mais surtout si on leur prêtait la moindre attention. Ce ne fut qu’à cet instant précis qu’il se téléporta avec ses deux acolytes derrière une immense pile de tonneaux.
Accroupis, ils attendirent que les allées et venues prennent fin pour sortir de leur cachette. Dans le noir total, ils usèrent de bâtons lumineux afin d’éclairer la seule carte qu’ils avaient pu dénicher des lieux lors d’une excursion dans l’une des bases navales à proximité.
– Il y a beaucoup trop de caméras, capitaine, observa Shachi l’un des deux hommes aux cheveux roux.
– Pff, un jeu d'enfant. On fait comme si on était chez nous, et on passe comme une brise, répliqua Trafalgar, un demi-sourire confiant aux lèvres.
Tout en parlant, il examina le plan et traça du doigt le chemin qu’ils venaient de parcourir avant de remonter vers un autre point. Un sourire se peignit sur son visage au teint basané.
– Allons-y !
Sur ces mots, tout fut plié et rangé. Ils rejoignirent dans un même ensemble la sortie et poussèrent la porte sans mal. Puis, ils se risquèrent dans le couloir. Pas un seul garde. Il était désert ce qui ne surprenait point le chirurgien de la mort, célèbre pirate dont la tête était mise à prix pour la coquette somme de cent millions de berrys.
D’une démarche sereine, ils traversèrent le tunnel d’acier en sens inverse jusqu’à atteindre la bifurcation. Là, ils empruntèrent la voie de droite. Et après quelques pas seulement, ils constatèrent que cette section n’avait rien de comparable avec le reste. Certes, l’éclairage demeurait identique, mais de nombreuses portes occupaient les murs. D’un seul coup d’œil, Trafalgar nota que le système de sécurité était réellement élevé. Il fallait de toute évidence un badge pour certaines, un code d’accès ou une empreinte. Cela démontrait, s’ils en doutaient encore, combien ce qu’ils tramaient en ce lieu était capital. Et c’était justement ce que Trafalgar Law aspirait à découvrir.
Les soldats brillaient par leur absence dans le dédale de couloirs. Ce détail amena un froncement de sourcils de la part du criminel qui s’inquiéta quelque peu. Néanmoins, cela ne fut pas suffisant pour le contraindre à l’abandon. Ce fut même le contraire qui se produisit. Déterminé, il rajusta sa casquette sur sa tête et reprit sa route.
Toutefois, au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans le laboratoire, la présence des gardes se fit plus présente. Ils saluèrent les marines qu’ils croisaient comme s’il s’agissait de vieilles connaissances sans prendre la peine de s’attarder pour autant. Law avait conscience que ne rien dire mettrait en danger leur groupe, mais bavarder était tout aussi périlleux.
Leur progression se déroula sans encombre. Du moins jusqu’à ce qu’un bruit de semelle martelant le sol capta leur attention. Mais, ce n’était pas ces derniers qui inquiétèrent le ténébreux. Non ! Ce qui donna des sueurs froides au chirurgien de la mort fut l’aura de puissance écrasante qu’il ressentait. L’homme qui approchait était sans nul doute possible un amiral de la marine.
Inquiet, il s’arrêta net et serra les poings. S’ils devaient affronter cet individu, ils ne s’en sortiraient pas, il le savait. Sans compter que son nodachi était resté à bord de son propre navire. Or, fuir comme se cacher demeurait des alternatives tout aussi risquées que vaines. Ils n’avaient aucun lieu pour se dissimuler quant à la fuite… ils n’auraient guère le temps de faire trois pas qu’ils seraient bloqués.
– Cap'taine... murmura Penguin, l'intonation de sa voix trahissant une appréhension croissante à la vue de la silhouette se profilant dans l'ombre lointaine du corridor.
Cette démarche… Ce n’était point un soldat. D’ailleurs, la forme sur sa tête fut une preuve supplémentaire. Un chapeau agrémenté d’un panache ? Estomaqué, les yeux agrandis par la stupeur, Trafalgar regarda le plus improbable des individus marcher dans sa direction.
De haute taille, il arborait un couvre-chef reconnaissable entre tous, ainsi qu’un long manteau noir et violet ouvert sur un torse nu et musclé. Un crucifix miniature et doré pendait à son cou. Dans son dos, on notait comme une grande croix qu’on savait être un sabre de par sa réputation légendaire. Affublé d’un pantalon mauve ample et des bottes aussi sombres que la veste, l’individu approchait.
Nul doute sur son identité ! Il s’agissait de Dracule Mihawk, plus connu sous le surnom « d’œil de Faucon ». Mais que faisait donc un capitaine corsaire dans ce laboratoire ? Il sentit ses compagnons se tendre, la panique devenait palpable, suintant par tous les pores de leur peau. Dans un soupir empli de résignation, Trafalgar poursuivit sans faillir son chemin.
Ils passèrent aux côtés du Shichibukaï et lui adressèrent un signe de tête en guise de salutations. Imperturbable, l’homme ne leur accorda qu’un bref regard sans même ralentir.
Le soulagement les gagna lorsque l’effroyable Mihawk disparut au fond du couloir. Ils avaient cru que leur heure était arrivée tant le danger était réel. Fort heureusement, le grand corsaire n’avait rien remarqué et ne s’était pas douté de leur imposture. Confiants, ils poursuivirent leur progression jusqu’à atteindre une porte double marquée des mots « STAFF ONLY ». Un sourire en coin, Trafalgar s’approcha de cette dernière et avisa du boîtier à droite sur le mur : un scan rétinien. Les choses ne seraient pas si simples pensa-t-il, les yeux rivés sur les battants. Enfin, ce n’était pas comme si cela lui posait un quelconque problème. Son pouvoir du fruit du démon, le ope ope no mi, lui permettait de se transférer d’un endroit à un autre.
Mais avant de pouvoir entrer, ils devaient se débarrasser des caméras les épiant. D’un seul geste, il trancha les escaméras et se téléporta avec ses compères de l’autre côté du mur. Il annula aussitôt son pouvoir ce qui réactiva le système de vidéo surveillance.
Hélas, à aucun moment, les pirates n’avaient envisagé qu’à l’intérieur il puisse y avoir quelqu’un. Un homme en blouse blanche se tenait debout devant une large console. Il avait les cheveux noirs coupés très courts et portait des lunettes à monture épaisse.
L’entrée du trio le sidéra tant qu’il demeura figé pendant quelques secondes avant de réaliser que ces individus étaient des intrus. Sans tergiverser plus longtemps, le cœur battant à tout rompre, il tendit les dactyles vers un bouton ressemblant davantage à un champignon rouge. La pulpe de ses phalanges effleura ce dernier lorsqu’une douleur lui vrilla la main. Un cri franchit ses lèvres tandis qu’il retirait vivement ses doigts. Un scalpel venait de se planter durement dans sa chair. Le sang coulait abondamment et recouvrait le sol métallique.
Paniqué, le scientifique se vit déjà périr de la main de ces individus. Il recula jusqu’à ce qu’il se retrouva dos au mur. Incapable de fuir plus loin, il glissa contre cette dernière et implora pour sa vie.
D’un pas nonchalant, Law s’approcha et s’agenouilla devant lui. L’heure des questions avait sonné et il ne partirait pas sans une once de réponses. Mais avant il voulait récupérer son bien. D’un geste brusque, il agrippa le poignet de son vis-à-vis et le serra jusqu’à ce qu’un gémissement retentisse. Puis, il retira la lame et la porta à ses lèvres. Horrifié, le binoclard vit un petit bout de chair rosâtre apparaître et glisser lentement sur le métal pour en lécher l’hémoglobine.
– Parle.
Trafalgar inclina la tête, un filin d'intimidation dans la voix.
– Qu'est-ce qui se trame dans les entrailles de ce caillou perdu en mer?
Son scalpel glissait entre ses doigts, captant la faible lueur des néons en une dance macabre.
Répondre ou ne pas répondre ? Le malheureux ne savait point à quel saint se vouer. Dans les deux cas, la mort le guettait au bout du chemin. Les larmes aux yeux, il secoua la tête avec vigueur.
Un sourire sardonique incurva les lèvres masculines. D’un geste vif et précis, il taillada la joue du scientifique dont le cri de surprise retentit dans la vaste salle. La main sur sa blessure, il fixait le pirate lui faisant face. Un liquide chaud coulait doucement sous sa paume et ruisselait en fines gouttelettes sur la blouse blanche. Avec peine, l’homme déglutit.
– On dirait que t’as pas encore pigé à quel point t’es dans le pétrin, lâcha Trafalgar avec une nonchalance calculée. Ta langue, tu la délies, ou c’est la fin de la récré. Choisis ton bourreau, mon pote, parce que dans tous les cas, t’as un pied dans la tombe.
Oui, c’était aussi simple que cela. Il le savait pertinemment. Toutefois, la peur le tétanisait tellement qu’il ne parvenait point à articuler le moindre son.
– Capitaine ! Interpella l’un de ses subordonnés.
Le pirate, les yeux rivés sur sa proie, invita Shachi à prendre la parole et lui révéler sa découverte.
– Il y a une porte, ici. Elle est immense et il n’y a aucun mécanisme d’ouverture.
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