Chapitre 9 : Par la force

À plusieurs encablures de cette île, le Polar Tang fendait lentement les eaux en surface, s'approchant doucement du lieu de rendez-vous. Sur le pont de bois, Shachi et Penguin scrutaient la côte avec attention. Soupirant, désespérant de ne point les voir se dessiner au travers des jumelles au moyen desquelles il parcourait le rivage, Shachi exhala un long souffle d'air soulignant ainsi son impatience avant de se figer instantanément alors qu'un filet de sang coulait de son nez.
Chose anodine me direz-vous ! Qui après tout n'a jamais saigné du nez sans raison valable? Et pourtant ce petit détail aussi infime fut-il, capta l'attention de son comparse qui le voyant se tenir la cloison nasale, lui arracha les jumelles des mains. Zieutant dans la même direction que lui, subissant les affres d'une hémorragie à son tour, il ne parvint, cependant point à quitter la scène se déroulant sur la plage, du regard.
Là, sous leurs yeux, les deux Hearts venaient de voir Towa se foutre totalement à poils, et cela devant leur capitaine. Bien loin de se préoccuper de l'expression de ce dernier, Penguin ne parvenait pas à détacher son regard de ce corps féminin aux courbes envoûtantes.
"Bordel... Drôlement bien roulé notre zombie... Et c'est encore le capitaine qui en profite..."
Oui, fait indéniable et véridique, maintes fois confirmés, le charisme du capitaine opérait toujours sur les femmes. À sa décharge, il possédait un charme certain et malgré l'aura sombre peu engageante, pouvant en rebuter certaines, il plaisait aux femmes, et ne terminait jamais une soirée seule. Et cette fois... De toute évidence, il s'apprêtait à ajouter le nom de Towa à sa longue liste.
***
Siegfried... Se fendant d'un sourire mutin, elle se passa le petit bout de chair sur ses lèvres avant de susurrer en jouant de ses doigts sur le pull du brun, se demandant d'ors et déjà jusqu'où elle pourrait mener le jeu, car elle le savait, le sentait, le chirurgien de la mort était à cran.
"Quel est votre position préférée, Trafalgar ? Votre jeu favori ?
Tout en parlant, elle avait renversé la situation d'un seul mouvement des hanches pour se retrouver de nouveau en position dominante avant de se pencher sur l'oreille du chirurgien et de susurrer d'un ton caressant :
- Personnellement, je préfère être au-dessus... Contrôler le plaisir dévorant l'autre jusqu'à son apogée est ce qui m'excite.
Agacé, le toubib l'était si bien que l'agrippant par les hanches, il s'apprêtait à inverser de nouveau leurs places lorsque tout à coup, une fusée éclairante déchira le ciel. Alerté, le couple leva les yeux et vit le petit projectile incandescent retomber doucement vers les flots.
- Sauvé, ironisa la blanche en se levant. Ils en ont mis du temps, faut croire que le spectacle était à leur goût.
- Ils étaient là depuis le début, et tu n'as rien dit ?
- Vous n'avez rien demandé."
S'éloignant d'une démarche lente, elle ramassa ses vêtements et les enfila sans pour autant chercher à se cacher. Dans son dos, Law, fulminant, s'était levé et avait replacé son couvre-chef sur son crâne. Cette garce se foutait vraiment de lui ! Elle méritait réellement qu'il lui rappelle qui était le capitaine ! Toutefois, il la rejoignit en quelques enjambées alors que le sous-marin se plaçait aussi près que possible.
Sur le pont, ils les distinguaient sans peine, il y avait la majeure partie des hommes de l'équipage, dont les cris de soulagement leur parvenaient. Avisant de son sous-marin, Law sentit l'inquiétude le quitter alors que ses pas le menèrent aux abords du rivage. Il allait devoir user de sa room et se téléporter lui, et sa nakama à bord. À cette pensée, il plissa les yeux, et se retourna pour voir, la jeune femme s'éloigner d'un pas vif en sens inverse.
Ainsi, comme il le présageait, elle ne le suivrait pas, avait depuis longtemps prévu de leur faire faux bond... Dès le commencement, elle envisageait réellement de déserter les rangs des Hearts ! Seulement voilà, dans son plan, elle avait omis un point important : lui. Après tout, il ne l'entendait pas de cette oreille. Oh que non, elle était sa nouvelle recrue, un sujet d'étude bien trop intéressant pour la laisser filer de la sorte. Et dont les secrets qu'elle gardait jalousement et le mystère dont elle s'entourait, il se jurait de les faire tomber. Alors, n'y tenant plus et pris d'une sourde colère, il ramena d'un simple Shambles, la blanche à ses côtés. Battant des yeux, constatant que le chirurgien se dressait devant elle, elle esquissa un mouvement de recul bien vite arrêté par Trafalgar. D'une poigne d'acier, il agrippa son bras et la tira vers la côte.
"Je te l'ai dit. Tu viens avec moi. La fuite ne t'est pas permise.
Agacée, elle tenta de se défaire de la poigne de son compagnon, en vain. Si bien qu'en dernier recours, elle essaya de lui assener un coup de poing en plein visage. Fort heureusement, ses réflexes permirent au pirate d'esquiver l'attaque en se penchant légèrement vers l'arrière. Cependant, cela eut pour effet de permettre à la blanche de se libérer alors que ses doigts perdaient en force.
Sautant en arrière, mettant aussitôt une distance respectable entre eux, la jeune femme fusillait Law de ses prunelles émeraude. Comment osait-il agir ainsi ? Elle lui avait sauvé la vie, l'avait ramené auprès de son équipage, et il la remerciait comment ? En la séquestrant ! Seulement voilà, elle ne se laisserait pas faire, elle ne voulait pas, et ne pouvait pas demeurer avec eux! Sa présence représentait un risque énorme pour leur sécurité à venir. Il suffisait de voir comment Siegfried les avait rapidement retrouvés.
- Nul ne me retient sans mon consentement, Trafalgar.
- Je n'ai pas de temps à perdre, miss. J'en ai assez perdu comme ça, fit le brun tout en faisant apparaître au creux de sa paume un petit cube translucide et palpitant. Tu le reconnais, n'est-ce pas ?
Son cœur ?! Oh que oui qu'elle l'identifiait sans mal, mais elle était toute aussi consciente que jamais, il ne lui permettrait de le récupérer. Il s'agissait juste de la carotte qu'il agitait sous son nez afin d'obtenir sa reddition.
Croisant les bras sur sa poitrine, penchant la tête sur le côté, elle étudia le brun guettant sa prochaine action, ses prochaines paroles.
- Si tu crois me faire peur, Trafalgar, tu te trompes.
Haussant un sourcil dubitatif, Law pressa dès lors l'organe pulsant au creux de sa paume, sans lâcher sa cible de ses prunelles orageuses. La réaction de la blanche ne se fit point attendre. Elle ne cria pas. Non... La main crispée sur la poitrine, le visage déformé par la douleur, tout bonnement magnifique et si jouissif, elle tomba à genoux sur le sable.
Serrant de plus en plus fort, affichant un sourire sadique et froid, le chirurgien de la mort mangea la distance le séparant de sa victime. Se penchant vers elle, prenant soin de garder l'organe hors de sa portée, et le pressant tel un citron, il lui agrippa le menton et l'obligea à le regarder.
- Pas de larmes... ? Devrai-je serrer davantage ?
- Or...dure...
- Mauvaise réponse."
Puis, il serra encore jusqu'à ce que finalement, elle se mette à suffoquer, virant au bleu avant de s'écrouler à ses pieds. Soupirant de lassitude, il s'accroupit devant le corps inerte. Faisant disparaître le cœur de la blanche, il prit son pouls, s'assurant qu'elle vivait encore. Ça serait dommage de la tuer, même accidentellement ou parce qu'elle le méritait.
***
Dans un autre lieu, bien loin de cette île et du Polar Tang, Yu traversait un long couloir de marbre, gagnant d'un pas vif une pièce, son antre, son repère, là où il fomentait touts ses noirs desseins.
Pénétrant dans la salle, il referma la porte d'un claquement sourd, aussitôt des candélabres flottant par un quelconque sortilège s'allumèrent d'une flamme noire, éclairant ainsi la grande salle dont le seul objet n'était rien de plus qu'un gigantesque miroir, une psyché dont des visages humains déformés par la douleur avaient été sculptés dans l'armature de métal doré.
Silencieux, le bruit de ses pas martelant le sol, il s'en approcha avant de s'immobiliser. Là, scrutant son propre reflet, il tendit la main et en effleura le verre. Toutefois, loin d'être d'aspect solide, la surface se mit, telle de l'eau à créer de faibles ondulations avant de laisser apparaître un visage familier. Celui de son fidèle ami et conseiller : Siegfried.
Néanmoins, la scène que cet objet magique lui révélait le surpris si bien qu'il en plissa les sourcils. Nul besoin de s'interroger pendant des heures pour comprendre ce qui avait amené le blond à se retrouver dans pareille situation.
Attaché sur le lit, nu de toute évidence et uniquement recouvert d'un drap, un bout de tissu au fond de sa gorge, l'empêchant ainsi d'appeler à l'aide, Siegfried avait été victime d'un mauvais tour. Oh, il aurait pu s'interroger longtemps sur l'identité du responsable de la chose sauf que sur le mur, juste au-dessus du lit, des mots s'enchaînant inscrits en lettres de sang clamaient :
« Va te faire voir, Yu ! »
À ces mots, un sourire en coin se peignit sur le visage du bleuté, reconnaissant en cela la signature de Towa. Il s'apprêtait à se détourner de ce triste spectacle, lorsque deux bras l'enlacèrent par derrière et l'étreignirent tandis qu'un doux parfum lui titilla les narines. Ne bougeant pas, ne cherchant point à se dégager, il laissa la nouvelle venue, une blonde aux courbes envoûtantes et au caractère bien trempé, se coller contre son dos, écrasant ses seins sur ce dernier.
"Il a couché avec elle... Tu comptes lui pardonner encore longtemps ?
Silencieux Yu ruminait ces propos qu'il savait être juste. De toute manière, il avait conscience de cela depuis longtemps. Towa le défiait toujours, se braquant contre son autorité. Sans doute était-ce sa manière de lui signifier qu'elle le détestait corps et âme? Certes, il comprenait ces sentiments hostiles, cette froideur qu'elle lui opposait en toute circonstance, après tout il était la cause de sa souffrance actuelle.
- Me fous qu'ils couchent ensemble. Ce que je veux ce n'est pas son corps, mais son cœur. Et quand je l'aurai, je pourrai enfin acquérir ce qu'il me manque.
Tout en parlant, il pivota doucement vers la jeune femme qui les bras autour de son cou, lui souriait de manière aguicheuse alors que Yu, froid et imperturbable la fixait étrangement avant de la repousser.
- Je te donnerai ce dont tu as besoin pour concrétiser mes projets, mais n'oublie pas qui est ton maître, Erna. Un seul faux pas, et je te tue comme je l'ai fait avec les autres.
La blonde, sans un mot le suivit de son regard vert, et alors qu'il posait une main sur la poignée, s'empressa de lui demander :
- Qu'est-ce qui te fait penser que tu sauras la soumettre ?
- Ao. Elle viendra pour lui.
Oh oui, il n'en doutait pas. Towa accourait en ce lieu qu'elle avait fui des siècles auparavant dans le seul but de sauver Ao qu'elle devait assurément croire mort. Non, bien trop rusé, il avait gardé une carte maîtresse, un point de pression qui aurait raison de la volonté de la blanche s'opposant à lui.
Se fendant d'un large sourire, il quitta la pièce avant de rejoindre une chambre annexe, une cellule froide et humide, dépourvue de lumière. S'approchant d'un coin sombre, il distingua la petite forme, inerte, et retenue par de lourdes chaines de fer au mur de pierre. Le bleu fit un pas puis un autre, vers la silhouette pour s'immobiliser à quelques pas seulement. Là, croisant les bras, penchant la tête sur le côté, il annonça avec une pointe de fierté dans la voix :
- Tu vas être content, Ao, Towa est réapparue. Ton calvaire prendra fin très bientôt.
- Le tien ne fait que commencer, ordure..., grinça le prisonnier en posant un regard rouge sur son geôlier. Prépare-toi...à faire face à la mort...
À ces mots, l'expression de Yu se durcit dangereusement alors que d'une main brutale il agrippait les cheveux blancs du prisonnier qu'il tira vers l'arrière le forçant ainsi à le regarder.
- Towa... Tu veux savoir ce que je vais lui faire ? Erna, dis-lui !
La blonde l'ayant suivi et demeuré en retrait, s'avança de quelques pas. Ao admira alors la fine silhouette de la sorcière vêtue d'une longue robe noire, fendue sur tout le côté gauche, ne cachant rien de sa jambe et s'arrêtant sur l'élastique de son sous-vêtement de couleur rouge. Un sourire machiavélique étira les lèvres carmin de la jeune femme qui ne tergiversa guère plus longtemps et s'empressa d'obéir aux ordres de son maître.
- Dès que Towa sera entre nos mains, je lui arracherai le cœur alors qu'elle sera encore consciente. Je me délecterai de ses cris d'agonie tandis que je libérerai Astaroth pour le sceller de nouveau dans le corps de mon roi.
- Et si cela ne suffit pas, Ao, j'ai encore ceci.
Tout en parlant, Yu découvrit une longue épée argentée à la dague en forme de croix, dont le centre était incrusté d'une pierre luminescente de couleur rouge. Sur le tranchant de cette arme, des inscriptions étranges apparaissaient de bout en bout alors qu'un filet rougeâtre traçait une ligne droite de la pointe à la garde partageant l'arme en deux.
À la vue de cette dernière, les yeux s'arrondissant d'effroi, Ao tira sur ses chaînes, grogna tel un fauve enragé tout en grinçant :
- Ordure !! Tu n'as pas conscience du danger. Si Towa meurt, ce sera le chaos sur terre. La fin de toute vie car rien ne survivra à Astaroth.
Ricanant, le bleu se détourna d'Ao et rejoignit la porte, toutefois, se ravisant, il lui coula un regard étrange avant de s'adresser à la sorcière :
- Prend ce dont tu as besoin et verrouille derrière toi. Ne le tue pas, il me sera encore utile.
Opinant du chef, la blonde, tout aussi froide et énigmatique que Trafalgar, marcha vers le prisonnier. Là, silencieuse, elle fit apparaître une dague dans sa main ainsi qu'une petite fiole.
Furieux de se voir traité de la sorte, tel un animal, il se débattit de plus belle alors que la pointe entaillait la chair de son bras et que la sorcière recueillait dans son petit flacon un peu de son sang.
- Tout prendra fin bientôt... Towa ne fait que retarder l'inévitable et prolonge ton supplice."
Tournant ensuite les talons, elle vida la pièce de sa présence alors qu'un cri déchirant, une supplique emplie de douleur et d'amertume déchirait le silence de la geôle.
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