Chapitre 3 : Prisonnier ou camarade ?

Joignant le geste à la parole, Law tira brusquement sur le bras du jeune homme le déséquilibrant. Il profita du fait qu'il allait s'écrouler contre lui pour le jeter sur son épaule comme un vulgaire sac de pommes de terre. Bien entendu, le malheureux lui ordonna de le lâcher, de le reposer à terre tout en le martelant de ses mains libres. Mais, il eut beau vitupérer, le pirate ne le libéra pas. Law sauta sur le pont alors que Bepo s'approcha de lui et s'enquit :
"Vous êtes sûr, capitaine, que vous voulez l'emmener ? Il a pas l'air vraiment d'accord...
Law esquissa un sourire en coin et répliqua tout en tapotant le postérieur du gamin :
– Tu te trompes, Bepo. Au contraire, c'est sa façon à lui de montrer sa joie."
Bepo se figea et considéra son supérieur en silence. Il le suivit des yeux, le regardant disparaître à l'intérieur du sous-marin, son fardeau sur l'épaule. Il soupira. Décidément, les humains avaient des manières étranges d'afficher leur contentement.
Après plusieurs minutes à circuler calmement dans les couloirs, son prisonnier s'agitant, Law pénétra dans une pièce sombre. Là, sans crier gare, il le jeta sur le sol métallique sans le moindre ménagement. Il entendit sa proie gémir de surprise et de douleur mêlées, mais ne s'en préoccupa guère davantage. S'accroupissant face à lui, se mettant à son niveau, il chercha son regard. Le marine releva vivement la tête et le fusilla de ses grands yeux verts. Il tendit lentement la main vers lui, mais le soldat le repoussa violemment avant de lui cracher au visage. Le jeune homme avait conscience de mal se comporter, et de jouer avec le feu. La seule chose qu'il avait à lui reprocher, après tout, était d'avoir ruiné ses projets.
Les prunelles métalliques brillèrent dangereusement. Sans le lâcher du regard, il s'essuya du revers de la main. Puis, tout à coup, il l'attrapa à la gorge et resserra la pression de ses doigts. Le soldat agrippa instantanément la main qui menaçait de le tuer et essaya, tant bien que mal, de se libérer. Hélas, le pirate était bien plus fort. Il commençait à suffoquer. L'air lui manquait. Law ne quittait pas le garçon du regard. Il sentait sa résistance faiblir et son pouls ralentir sous ses dactyles. S'il serrait davantage ou même plus longtemps, il mourrait. Or, ce n'était pas le but qu'il visait. Pourquoi fallait-il que les marines soient aussi idiots ? Même quand ils savaient n'avoir aucune chance, ils tenaient tête. Du moins, c'était le cas pour certains... Les mains du gamin lâchèrent prise et retombèrent mollement le long de son corps tandis que ce dernier commençait à osciller dangereusement. Ce ne fut qu'à cet instant précis, au moment où tout portait à croire que la faucheuse accomplirait son œuvre, que le pirate desserra légèrement ses doigts autour du cou de sa victime.
C'est à cet instant que quelque chose de parfaitement inattendu se produisit. La frêle silhouette du soldat s'écroula en avant et s'affala contre celui du chirurgien tandis que de longs cheveux d'ébène cascadèrent sur les épaules et le long du dos du prisonnier. Pris totalement au dépourvu, Law battit des paupières en humant le parfum délicat qui envahissait lentement ses narines. Comme s'il se trouvait en plein rêve, il fit glisser ses doigts dans la masse soyeuse. Une fille... Il n'aurait jamais cru une telle chose possible. Qu'allait-il faire d'elle ? Il avait enrôlé, contre son gré, une gamine, alors même qu'il ne voulait pas de femme sur son sous-marin ! Et autant ne pas imaginer la réaction des pervers qui caractérisaient son équipage. Il allait falloir cacher que le marine était en réalité « une marine ». Sans un mot, il quitta la salle en prenant soin de verrouiller dans son dos.
Lorsqu'elle souleva de nouveau les paupières, vingt-quatre heures s'étaient écoulées. Elle commença par promener ses prunelles sur la pièce tout en se massant le cou. Elle se souvenait que le pirate avait voulu la tuer. Avait-il changé d'avis ? Rien n'était moins sûr... Elle soupira et abaissa la tête. Son estomac grogna, dangereusement, lui rappelant qu'elle n'avait pas mangé depuis quelque temps. En voyant ses cheveux retomber autour de son visage, sur ses épaules, elle blêmit et porta sa main à sa chevelure. Elle ne rêvait pas. Ils avaient repris leur taille naturelle ce qui signifiait qu'elle avait perdu connaissance et donc que ce pirate savait ! Il était forcément présent lorsque cela s'était produit et avait découvert qu'elle était une fille. Elle frissonna à l'idée de ce que cet individu et ses hommes pourraient lui faire subir. Doucement, elle déplia sa fine silhouette et s'approcha de la porte. Elle était fermée à clé. Elle tenta d'actionner la poignée avant de se détourner. Elle devait certainement se trouver dans une sorte de cellule comme en témoignaient les chaînes fixées sur les parois. Il serait donc vain d'essayer de sortir d'ici...
Avec un soupir résigné, elle alla s'appuyer contre le mur et se laissa lentement glisser jusqu'au sol. Elle passa ses bras autour de ses jambes repliées avant de fourrer son visage contre ses genoux. Pourquoi une telle chose s'était-elle produite ? Elle avait tout mis en place pour atteindre son but ! Elle devait rejoindre Dressrosa afin de protéger une personne précieuse à son cœur, et voilà qu'un maudit pirate intervenait et faisait tout capoter ! Elle le maudissait, le haïssait pour son intervention ! Les larmes mouillèrent ses cils qu'elle s'empressa de faire disparaître dans son pantalon avec une rage silencieuse empreinte d'impuissance.
Le petit déjeuner était l'un des moments qui réunissaient tout l'équipage du Heart. Ils avaient passé une grande partie de la nuit à veiller à ne pas se faire rattraper par Doflamingo et ses compagnons. L'ambiance était aux réjouissances. Doflamingo avait été semé et même s'ils n'avaient pas mis la main sur le précieux colis, ils étaient vivants et avaient gagné un nouveau camarade.
La pièce était de métal gris presque noir. Les tables vissées au sol fournissaient le confort nécessaire tandis que des néons diffusaient une lueur blafarde dans le réfectoire. Ils prirent place tout en poursuivant leur conversation, peinant encore à croire qu'ils soient arrivés à fuir Doflamingo. Néanmoins, leur discussion tournait essentiellement autour du jeune marine que leur capitaine avait littéralement kidnappé. Cela ne lui ressemblait pas pourtant, de céder à ce type d'impulsion. En effet, Trafalgar Law était bien connu pour son esprit réfléchi et posé, rarement impulsif. Il était un stratège redoutable et étudiait chacune de ses options avec grande attention.
Assis à l'une des tables, se trouvaient trois hommes. Deux d'entre eux portaient une combinaison blanche taguée du symbole de l'équipage. Ils avaient tous deux une casquette sur la tête.
L'un d'entre eux avait le mot « Penguin » écrit sur son couvre-chef. On distinguait sur le sommet un petit pompon de couleur sang. La visière de cette dernière dissimulait ses yeux ce qui empêchait clairement de déchiffrer ses expressions.
Son meilleur ami, Shachi s'était installé, à sa droite. Il s'agissait d'un homme maigre et de taille moyenne. Ses cheveux bruns atteignaient ses épaules. Cependant, sa casquette était bleue à bord rouge. Le rebord cachait également son regard. Quant au troisième, nommé Jean Bart, il était tellement grand que l'on se demandait comment il parvenait à entrer dans le sous-marin. Son visage sévère comparable à un animal de garde attisait la crainte des personnes qu'il croisait. Des tatouages en forme de soleil ornaient son front et une cicatrice relevant d'un ancien combat marquait son faciès au-dessus de son œil droit. On voyait également de larges rouflaquettes sur les côtés de ses joues ainsi qu'une longue chevelure ébène qui descendait le long de son dos. Par ailleurs, contrairement aux autres, il ne portait pas la tenue destinée à chaque membre d'équipage. Il arborait un simple pantalon sombre ainsi qu'une chemise noire laissée entrouverte sur son torse musclé.
Tous les trois profitaient d'une légère accalmie pour deviser tranquillement. Ils s'interrogeaient fortement sur les motivations de leur supérieur pour avoir emmené un marine contre sa volonté sur le submersible. En temps normal, il n'agissait pas ainsi et ne choisissait pas les forces de l'ordre comme compagnon d'armes. Pourtant, ils pouvaient comprendre. Le jeune soldat brillait de talents. Malgré un grand nombre de lacunes, il avait tenu tête au chirurgien de la mort dans un corps à corps des plus inattendus.
"J'ai adoré lorsqu'il a sauté sur le crâne du capitaine et lui a dérobé son chapeau, pouffait Penguin.
Shachi se mit à rire en opinant affirmativement du chef. Il revécut mentalement cette scène et rit de plus belle en disant :
– Et t'as vu sa tronche ? Trop hilarant.
– Moi, je me demande pourquoi il l'a embarqué avec nous, lâcha Jean Bart sans un sourire.
C'était risqué d'emmener un marine sur le Polar Tang, car ce dernier pourrait les trahir à n'importe quel moment. Toutefois, il ne faisait aucun doute que leur capitaine avait mûrement réfléchi à la question. Mais cette dernière demeurait, malgré tout, sans réponse.
– Peut-être qu'il a été séduit par ses aptitudes de combattant, suggéra Penguin en reprenant son sérieux.
L'interrogation l'intriguait également. Néanmoins, il savait, par expérience, qu'il serait vain d'interroger leur supérieur ayant pour habitude de garder ses pensées pour lui. Shachi plissa les yeux et croisa les bras sur le torse et abaissa la tête, pensif. Ce fut après plusieurs secondes de silence qu'il lâcha :
– Pourquoi ce gamin ? Il y a des combattants bien plus fort que lui sur Grand Line.
Jean Bart partageait son opinion. Trafalgar Law agissait toujours de façon réfléchie et calculée. Il manipulait les gens et les menait là où il voulait. Mais, il y avait également une autre question qui les taraudait. Celle du fameux colis que ce navire de la Marine devait transporter jusqu'à Dressrosa. Ils avaient eu beau le fouiller du pont à la cale, ils n'avaient rien pu trouver. De plus, les registres stipulaient bien un objet à livrer à l'un des sept capitaines-corsaires.
– Je suis certain que c'était quelque chose de très important pour qu'il se déplace en personne, observa l'un d'entre eux.
Les autres opinèrent du chef. Doflamingo quittait rarement son fief, ce qui signifiait que cette fois, cela était d'une importance capitale à ses yeux. Malheureusement, ils ne savaient toujours pas de quoi il s'agissait.
– En tout cas, ce n'était pas de l'or.
– T'es drôlement futé, Shachi, railla celui à la casquette.
L'intéressé lui jeta un coup d'œil furibond, signe que cela ne lui plaisait pas de se voir taquiner de la sorte devant le reste de l'équipage.
– Mais, je trouve ça louche, quand même, souligna Penguin. Pourquoi est-ce que la marine se déplacerait jusqu'à Dressrosa pour livrer quelque chose qui n'est même pas à bord ?
Shachi croisa les bras et s'adossa contre sa chaise. Là, il devait admettre que son ami marquait un point. En effet, cela n'augurait rien de bon. Surtout qu'ils ignoraient ce qu'était le colis et ce que Doflamingo escomptait en faire. En tout cas, ce n'était pas de l'or, les cales et le coffre étaient vides. Ce fut à ce moment que le second du chirurgien, l'ours polaire qui marchait et parlait entra dans la pièce. Il semblait soucieux, comme si quelque chose le chiffonnait.
– Où est le capitaine ?
L'animal s'immobilisa, tête baissée, perdu dans ses pensées. Il n'entendit pas la question de ses camarades si bien que Penguin insista :
– Bepo ?
L'intéressé tressaillit, s'excusa tout en penchant le visage vers l'avant :
– Désolé...
– Arrête de t'excuser pour rien, et dis-nous où il est, répéta Shachi.
Tout le monde s'inquiétait de crainte qu'il ne se surmène une fois de plus. Sans compter qu'il devait cogiter, en cet instant. Après tout, même après avoir abordé le navire de la marine, ils ignoraient encore ce qu'il transportait. Tout ce dont ils étaient certains résidait dans le fait que cela devait être livré à Dressrosa. Doflamingo était d'ailleurs venu chercher son bien en personne. Mais aussitôt, la conversation revint vers le grand sujet du moment : le jeune gamin enfermé dans la cellule du sous-marin. Ils s'inquiétaient tous quant à l'avenir que leur capitaine envisageait pour ce petit soldat. Après tout, pirate et marine c'était deux choses complètement différentes.
– En tout cas, je me demande pourquoi il refuse qu'on aille le voir, commenta doucement Penguin.
Shachi haussa les épaules en signe d'ignorance avant d'ajouter :
– Va savoir, il dit jamais rien de toute façon.
– Pourquoi on n'irait pas lui rendre visite en douce ? suggéra Penguin.
– Il suffira d'occuper le capitaine, conseilla Shachi.
– Et tu envisages de le faire de quelle manière ?"
Shachi déglutit péniblement. Law venait d'entrer dans la cafétéria et le considérait une lueur glaciale dans les yeux, et un sourire au bord des lèvres. Pas un sourire chaleureux et plaisant. Non, celui-ci était froid et pétrifia tout le monde. Un silence de plomb s'abattit sur la pièce. Personne n'osait plus parler ni même le regarder en face. Shachi réfléchit à vive allure, tentant de trouver une échappatoire qui ne se montra pas. Law ne le quittait pas du regard, ce qu'il venait d'entendre lui déplaisait fortement. Cependant, il n'avait pas le temps pour les représailles. De plus, il comprenait parfaitement leur désir de voir leur nouveau camarade.
Malheureusement, en l'état actuel des choses, et d'après sa découverte, il ne pouvait pas les laisser le rencontrer. Il fallait trouver une solution à défaut d'une explication. Il détestait leur dissimuler des informations, hélas, il s'agissait d'une fille. Et il refusait de la mettre en danger face à des mâles en rut. De plus, un problème bien plus grave se dressait devant eux et il ne pouvait pas le nier. Alors, autant, se charger des points les plus urgents immédiatement. Sans attendre, il leur ordonna de s'installer pour une rapide réunion concernant la situation. Il profita de l'occasion pour leur révéler que le jeune marine serait leur nouveau compagnon de route. Cependant, il lui fallait un certain temps d'adaptation donc, il le plaçait sous sa surveillance personnelle. Et lorsqu'ils accosteraient sur une île, il resterait enfermé afin d'éviter une éventuelle évasion.
"C'est donc un prisonnier, conclut Penguin d'un ton neutre.
– Non.
Shachi pencha la tête sur le côté, cherchant à comprendre. Bepo intervint à son tour :
– Écoutez donc ce que dit le capitaine ! Il vient de vous dire qu'il était l'un de nos nouveaux coéquipiers. D'ailleurs, il semblait très heureux de se joindre à nous.
– Heureux ?! répéta Penguin, incrédule.
Bepo hocha affirmativement le crâne et Penguin enchaîna :
– Vraiment ? Excuse-moi, Bepo, mais je crains que notre définition du bonheur soit totalement différente.
L'ours battit des paupières, sans comprendre. Pourtant, Trafalgar Law lui avait affirmé le contraire. Il ouvrit la bouche afin de s'expliquer lorsque Shachi ajoutait comme pour lui-même :
– Je pense plutôt que l'on ferait mieux de nous méfier et faire attention qu'il ne nous égorge pas dans notre sommeil.
– Vous croyez réellement que..., fit Bepo alarmé.
– Oui, oui, opina Penguin d'un air entendu. Et il fera de toi une descente de lit...
Effrayé, l'ours se tourna vers son supérieur et l'implora :
– Capitaine, s'il vous plaît. Débarrassez-vous de lui, il est vraiment flippant ce garçon !
Trafalgar sourit de plus belle avant de refuser fermement. Il se dirigea vers la sortie, s'immobilisa sur le pas de la porte et lança :
– À mon avis, je serai sa cible principale, Bepo. Tu ne risques rien...
– Ah bon ?! Tant mieux alors..."
Il se sentait réellement soulagé. Seulement ces quelques mots, il les regretta presque aussitôt et balbutia des excuses que seules les personnes présentes entendirent.
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Commentaires
Ah ben si c'était une nana.XD Oui oui, je suis revenue juste pour le souligner XD
Elle m'intrigue pour le coup, surtout que j'ai déjà lu le suivant XD
PTDR vraiment Bepo, il me fait rire. "Ah bon?! Tant mieux" C'est du genre, pas grave s'il s'en prent à quelqu'un d'autre tant que s'est pas moi.
Je ne savais pas que Law étais le genre de mec qui confondait les non/oui. Ah la la...XD Je sens déjà la baston.