Chapitre 22 : Le réveil

Personne n’osait parler, car le regard de Law était d’un éclat meurtrier encore jamais vu jusqu’à présent. Il ne l’adressait, généralement, qu’à ses ennemis. Il fallait en conclure que ce qu’il venait d’entendre l’avait hautement irrité.

Eh bien oui, le chirurgien de la mort était furax ! Ces hommes médisaient sur son compte ! Et pour dire des choses dont ils ne devraient même pas parler ! Qu’est-ce que le choix de son orientation sexuelle pouvait bien leur faire ?! Cela ne les regardait pas, d’ailleurs !


« On est mort, murmura Shachi à Penguin.


C’est alors, que contre toute attente, Law passa sa langue humide et tiède sur le cou de Ban qui se dressa d’un bond comme s’il venait de recevoir un seau d’eau glacé sur la tête.


Un sourire satisfait se peignit sur les traits fins de Law. Les yeux ronds de stupeur, les autres fixaient leur capitaine et Ban.


— Ban, viens avec moi dans ma chambre. Les autres, allez dormir.

— Dans… votre chambre… ? répéta Ban en se retournant lentement, pâle comme un linge.


Mais, là encore le regard incendiaire de Trafalgar ne lui permit pas de refuser. Il jeta de rapides coups d’œil vers ses camarades, les implorant silencieusement.


— Désolés, firent Shachi et Penguin en passant à côté de lui.

— Faux frères, grommela Ban angoissé.

— Capitaine, vous n’allez…

— Tu ferais mieux de retourner à ton poste, Jean.


Sans répliquer, la montagne de muscles s’éclipsa. Il ne restait plus que Ban, Bepo et Law. L’ours fit un pas vers son supérieur qui le devança et lui enjoignit :


— Retourne auprès d’elle. S’il se passe quoique ce soit, viens me chercher, dans ma cabine. »


Puis, il se détourna et ordonna à Ban de le suivre. Ce dernier obtempéra et traîna les pieds tout du long, implorant le ciel de lui sauver la mise.

Mais, le ciel demeura sourd à ses prières. Toute la nuit, jusqu’à tôt le jour suivant, le sous-marin fut secoué par les cris du pauvre Ban et de ses suppliques.

 

***

 

Le lendemain, lorsque Ban arriva pour le petit déjeuner, Penguin s’approcha et le questionna, mais ce dernier se mura dans le silence. Il ne souhaitait pas parler de la nuit précédente. Au contraire, il voulait rapidement oublier ! En tout cas, il ne dirait plus jamais de mal de son capitaine !


Avec un léger soupir, la silhouette sous le drap blanc bougea légèrement. Victoria ouvrit péniblement les yeux et fut aussitôt gênée par l’éclairage au-dessus d’elle. Un bip régulier s’élevait à proximité. Elle plissa les yeux et tourna légèrement la tête sur le côté pour découvrir qu’elle se trouvait dans une pièce qui ne lui disait rien. Mais qui avait tout l’air d’être une infirmerie.

Elle ferma les yeux, fouillant ses souvenirs afin de se rappeler la raison pour laquelle elle se trouvait allongée sur cette table. Mais, malgré ses nombreux efforts, elle ne se souvenait de rien… Elle se pinça la lèvre inférieure en signe d’impuissance.

Ses paupières se soulevèrent de nouveau et elle se redressa tant bien que mal, réalisant que quelqu’un l’avait changée. Elle tendit la main et s’apprêtait à arracher sa perfusion lorsqu’une voix s’éleva sentencieuse :


« À ta place, j’éviterais…


Cette voix… Elle se raidit imperceptiblement et tourna lentement le visage sur le côté. Elle ne se souvenait pas de cet individu et ne saurait pas dire s’il s’agissait d’un allié ou d’un ennemi. Pourtant, elle savait au fond d’elle-même que c’était grâce à lui si elle était encore là. Elle l’observa, curieuse. Il se tenait là, assis nonchalamment dans un fauteuil, un livre à la main. Le coude posé sur l’accoudoir et sa joue contre sa paume, il ne la regardait même pas. C’était comme s’il se contrefichait d’elle et de sa présence.

Elle porta la main à ses cheveux et nota qu’ils retombaient librement le long de son dos. Encore un peu étourdie, elle repoussa la couverture afin de descendre du lit sur lequel, elle se trouvait. Elle éprouva la froideur du métal brut sous la plante de ses pieds et frissonna. Mais, lorsqu’elle se mit sur ses jambes, un vertige l’assaillit et elle tomba à terre, son bras posé sur le bord du matelas.


— Ça aussi c’était une mauvaise idée, fit le jeune capitaine en fermant le livre d’un claquement sourd.


Il abandonna son ouvrage sur le bord de la table à côté de lui, considéra la jeune fille pendant plusieurs secondes avant de déplier calmement sa haute silhouette. Il fourra ses mains dans ses poches et l’observa encore un peu, la tête légèrement inclinée sur le côté. Visiblement, il se demandait si elle serait capable de se relever seule.

La ravissante brune gémit, luttant pour se remettre sur pieds. Elle devait sembler bien pathétique en ce moment. Tête baissée, elle agrippa le drap et le serra rageusement lorsqu’une paire de bottes noires apparut sous son nez. Elle aurait voulu parler, mais pour lui dire quoi ?

Law soupira et s’accroupit devant celle à qui il devait, visiblement, la vie de son équipage. Il tendit la main et saisit son menton qu’il redressa afin qu’elle puisse le voir. Leurs regards s’accrochèrent, se soudèrent.


— Idiote, ta perfusion s’est arrachée dans ta chute. »


Puis, sans attendre, il glissa un bras sous ses genoux et le deuxième dans son dos et l’arracha de terre. Il la déposa ensuite sur le lit médical. Sans un mot, il se détourna, fouilla dans le petit chariot et en sortit quelque chose. De là, où elle se trouvait, elle ne voyait rien. Et lorsqu’il lui fit de nouveau face, il lui agrippa le bras et commença à tamponner au moyen d’une compresse la plaie ouverte, laissée par l’aiguille de la perfusion. Elle tressaillit légèrement. Il suspendit ses gestes, les doigts encore autour du fin poignet. Il était si menu… Elle semblait si fragile et pourtant, elle avait éliminé un sbire de Doflamingo.

Tout en la soignant, ses pensées vagabondèrent vers les propos de Rayleigh. Il s’assombrit brusquement. Ce vieil homme s’était contenté de lui révéler que cette fille était dangereuse, que son existence même apporterait souffrance et destruction à son équipage. Il avait ajouté qu’aussi forte soit-elle, il ferait mieux de la tuer…

La tuer… ? Toutefois, lorsqu’il avait dit ces quelques mots, cela lui avait coûté, il l’avait bien remarqué. De plus, un voile de tristesse voilait son regard.

Silver Rayleigh lui dissimulait quelque chose, il en était persuadé ! Mais qu’était-ce donc ?

 

Néanmoins, lorsqu’il avait répliqué qu’il ne lui ôterait pas la vie, le vieil homme avait souri avant d’ajouter sur le ton de la confidence en désignant la marque sur son bras :

 

« Alors, conclus le pacte rapidement. Victoria va continuer à perdre la mémoire, jusqu’à régresser complètement. Cette marque est la preuve que vous êtes liés, mais tu as foiré quelque chose… ».

 

Après cela, il s’était levé et avait gagné la sortie. Il lui avait emboîté le pas, désireux d’en apprendre davantage. Mais, il s’était contenté de lui dire, sans même le regarder :

 

« Veille sur elle, pour moi alors. Et dis-lui qu’aussi grand soit le monde, je la retrouverai toujours… ».

 

Puis, il était parti…

Lorsqu’il eut achevé sa tâche, il jeta les compresses et se tourna vers sa patiente, le regard sévère.


« Combien de fois vais-je devoir te soigner, miss ?!


Tout en parlant, il plaça ses deux mains de part et d’autre du corps de la jeune fille, sur le matelas. Les yeux rivés au sien, il enchaîna sur un ton si calme qu’il en glaça le sang de la petite brune :


— Devrai-je t’attacher à ce lit, pour que tu restes tranquille ?


Elle soutint son regard perçant. Il eut un sourire en coin. Décidément, elle n’apprendrait jamais…

Avec un soupir, il se détourna. Il était évident qu’elle ne se souvenait pas de lui. Tout comme le seigneur des ténèbres le lui avait indiqué, ses souvenirs s’effaçaient au fil du temps. Il devait former un pacte avec elle, mais il s’était trompé quelque part… Trompé ?! Comment pouvait-il commettre une erreur pareille alors qu’il n’était même pas au courant ? Et puis quel était le pacte au juste ?

De plus, en cet instant, elle se méfiait de lui. Après tout, comment vous sentiriez-vous si vous vous réveilliez dans un endroit inconnu face à un homme que vous ne connaissiez pas et qui avait tout l’air d’un bandit ? Bon d’accord, il était pirate ! Mais, le savait-elle seulement ?


— J’ai un message pour toi, Victoria-ya.


Elle posa ses yeux sur lui, guettant la suite avec impatience, intriguée. Quel était-il ?


— Un jour, c’est certain, tu le trouveras, et il te libérera de ce maudit sanctuaire. Mais, que ce soit, aujourd’hui ou dans trente ans, je te retrouverai toujours malgré l’immensité de ce monde.


Alors même qu’il achevait cette simple phrase, il se retourna et eut la stupeur de voir le visage de la jeune fille se transformer. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise tandis que ses lèvres s’entrouvraient doucement pour souffler un seul mot.


— Rayleigh…


Il opina du chef et ajouta :


— Il m’a demandé de veiller sur toi et c’est ce que j’essaie de faire. Donc laisse-moi faire mon boulot et ne quitte pas ce lit ! »


À l’heure du dîner, il s’attabla avec ses compagnons qui ne manquèrent pas de l’accabler de questions. Ils s’inquiétaient tous de l’état de santé de leur nouvelle amie. Hélas, il rechignait à leur annoncer la triste nouvelle. Elle ne se souvenait d’aucun d’entre eux.

Pourtant, il avoua qu’elle avait repris des couleurs, même si son corps semblait encore un peu faible. Elle ne tenait pas encore debout par elle-même. Il avait eu raison de la contraindre au repos.

Il s’apprêtait à porter sa fourchette à sa bouche lorsqu’il croisa le regard de son second. Il reposa sa fourchette et attendit qu’il prenne la parole.
Et cela ne tarda pas, puisque l’ours émit la requête de se rendre à l’infirmerie.


« Non.

— Je vous promets de ne pas la fatiguer, je veux…

— J’ai dit non, Bepo !


Il avait haussé le ton, faisant sursauter toutes les personnes présentes. Ils hallucinaient. C’était la première fois qu’ils entendaient leur capitaine s’adresser ainsi à Bepo.


— Désolé… », fit Bepo en baissant la tête.


Trafalgar comprenait les sentiments de Bepo et certainement de certains membres de l’équipage. Mais, pour l’heure, ses responsabilités étaient de veiller à ce qu’elle se rétablisse…

Tout en réfléchissant, il prit une bouchée du contenu de son assiette et vira instantanément au bleu. Immonde !! Mince, il avait complètement oublié qui était le cuistot ce soir ! Il attrapa son verre et le vida d’une traite avant de repousser violemment son assiette et de quitter la pièce.

Bon, s’il tenait à survivre, il devenait primordial que Victoria réintègre sa place derrière les fourneaux, ou bien qu’il trouve quelqu’un de plus qualifié. Ils ne survivraient pas éternellement à cette cuisine.


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