Chapitre 6 : Un poursuivant inattendu

Décontenancée par de telles paroles, Minako ne sut que répliquer. Sans un mot, tête haute, elle alla poser son postérieur sur la roche alors que le brun empruntait l'une des voies. Bien loin de vouloir l'abandonner, le pirate tentait de se rappeler par quelle galerie il était venu. Cherchant le marqueur, son point de repère, un trait sur le sol, il examina chaque recoin. Ce ne fut que lorsqu'il parvint à une nouvelle intersection qu'il se décida à revenir sur ses pas. De toute évidence, il faisait fausse route. Il devait prendre l'autre chemin. Faisant demi-tour, son nodachi toujours sur l'épaule, il fit marche arrière, empruntant la même voie, alors que les pensées voguèrent vers la jeune femme.
Elle n'était qu'une simple civile et l'embarquer dans son périple serait assurément bien problématique et risqué. Certes, il ne pouvait point l'abandonner derrière et pou cause, elle serait abattue sans même un jugement digne de ce nom. Le mieux qu'il puisse faire pour l'aider, et en partie, la remercier pour son aide, était de l'emmener loin de cette île, vers un endroit bien plus accueillant où elle pourrait se fondre dans la masse et repartir de zéro. Il ne doutait pas non plus que le désir de revoir son fils ne la taraude et sans doute commettrait-elle un jour la stupidité de vouloir le retrouver. À ce moment-là, elle signerait sa fin, mais cela ne le concernait plus. Non, tout ce qu'il pouvait faire était l'éloigner, la mettre à l'abri et la prévenir des risques. Le reste lui incomberait. Elle était seule maîtresse de son destin.
Soupirant, il délaissa bien vite Minako pour se focaliser sur la raison de sa venue en ce lieu. La vérité était qu'il n'avait aucun motif valable. Non, il avait tout bonnement accosté ici et au lieu d'attendre sagement sur le pont du sous-marin le jour du départ, il avait préféré explorer l'île. Décision qu'il regretta rapidement lorsque les balles s'étaient mises à pleuvoir au-dessus de sa tête et que dans sa fuite, il avait perdu son den den mushi miniature pour prévenir ses subordonnés. Songeant à ces derniers, il tiqua. Ils devaient s'inquiéter de ne pas le voir revenir et bien plus s'ils avaient tenté de le joindre sans obtenir de réponse. Enfin, tout ceci serait bientôt terminé, et cette mésaventure derrière lui.

À l'extérieur, le colonel, un homme haineux et antipathique devançant ses subordonnés à l'entrée de la grotte, s'arrêta pourtant devant le trou plongé dans les ténèbres. Le vent glacial soufflait bien plus fort, fouettant la peau de son visage. Des flocons collaient à ses sourcils épais alors que son nez se teintait de rouge à cause du froid.
Toutefois habitué à ce genre de conditions climatiques, le marine frissonnait, se frottait les mains pour mieux se les réchauffer alors que de ses yeux, il balayait le sol. Aux empreintes marquant la neige blanche, il sourit de contentement. Ils étaient faits comme des rats ! Ils ne sortiraient pas vivant de ces mines, il en faisait le serment.
Sans attendre, il donna quelques directives, ordonnant de préparer de ce pas les explosifs dont ils useraient pour les ensevelir vivants, car bien entendu, hors de question de prendre le risque qu'ils en réchappent.
Et de ce fait, préférant s'assurer de la réussite de son projet, il les devança dans les allées, alors que le rejoignant en quelques foulées, un jeune homme, tout juste âgé de vingt ans et les cheveux roses, répondant au prénom de Coby tenta de le raisonner, de lui faire comprendre l'ampleur de son erreur.
"Colonel, c'est dangereux. Si vous provoquez une explosion avec toute cette neige dehors, vous risquez de provoquer une avalanche. Le village sera détruit et des milliers de gens vont mourir.
À ces mots, le regard torve, l'officier s'immobilisa sur ses pas, le saisit par le col de son manteau et le tira à son visage. Là, se montrant des plus odieux, lui faisant profiter d'une haleine empestant le tabac et l'alcool, il rétorqua vertement :
– Que ces cloportes crèvent, mon devoir est d'anéantir ces pirates !
Choqué, Coby demeura figé tandis que le colonel l'ayant relâché poursuivait son chemin. Coulant des coups d'œil vers ses nakamas, cherchant du soutien, il se vit tout bonnement ignoré. Étaient-ils donc tous fous pour le suivre aveuglément et ainsi prendre des vies innocentes ? Et alors que le soldat fermant le groupe le dépassait et lui soufflait d'obéir, Coby ne put se résigner à obtempérer. Il ne participerait pas à ce massacre. Reculant d'un pas, puis un autre, il fit volte-face avant de se ruer vers la sortie. Il courut aussi vite que possible, aussi loin que ses jambes le lui permirent, priant pour qu'au moins, il puisse sauver ne serait-ce qu'une personne.

Assise sur sa pierre, le coude posé sur ses cuisses et le menton au creux de sa main, Minako s'impatientait, trouvant le temps bien long. Elle en vint même à redouter qu'il ne soit parti sans elle. Toutefois, elle ne bougea pas, laissant ses pensées l'assaillir. Noël approchait et elle ne serait pas aux côtés de Liam. Cet état de fait, le brisait le cœur. Songeant au cadeau qu'elle avait dissimulé au fond de sa penderie, elle sourit en pensant qu'il aurait été comblé de l'ouvrir le jour J.
Fermant les yeux, effaçant tout autour d'elle, elle s'imagina dans sa maison au pied du sapin et au matin du réveillon. Elle serait debout depuis longtemps lorsque les premiers bruits à l'étage se seraient fait entendre. Souriante, elle aurait fini hâtivement sa tartine avant de revenir dans le salon pour voir Liam dévaler l'escalier en courant et criant de joie. Comme chaque année, il se serait jeté contre elle, l'embrassant avec empressement pour la saluer avant de se ruer vers le résineux pour y découvrir les quelques cadeaux dont il déchirerait le papier coloré. Il y aurait les présents de ses grands-parents adoptifs, de sa maman et d'Aslan. Il aurait été gâté comme à chaque fois. Hélas, ce bonheur lui était retiré et jamais plus elle ne pourrait le partager avec son fils.
À cette pensée, soulevant les paupières les larmes se mirent à couler, silencieuses et empreintes de souffrance. Il ne s'agissait guère de douleur physique, mais émotionnelle ce qui se révélait bien plus cruel.
Ce fut un bruit léger et diffus, une pierre roulant sur le sol qui attira son attention. Le cœur battant, le souffle court, la jeune femme bondit sur ses pieds, la main posée sur le cœur. La marine ? La marine les avait rattrapés ?! Reculant d'un pas, zieutant vers la galerie où Trafalgar avait disparu quelques minutes auparavant, se contenant pour ne pas crier à l'aide, elle fut sidérée de voir une adorable tête blonde apparaître.
Partagée entre l'envie de le sermonner et celle de le serrer contre elle, ce qu'elle fit d'ailleurs en se jetant sur lui. Dieu qu'il était difficile de lui dire adieu, de se dire que jamais elle ne le reverrait. Enfouissant son visage dans le cou de son enfant, alors que de l'une de ses mains, elle glissait ses doigts dans les mèches dorées.
"Liam... Que fais-tu là ? C'est dangereux...
– Je... veux rester avec... toi..., sanglota encore le petit garçon conscient que s'il la laissait partir maintenant, jamais plus il ne connaîtrait la chaleur des bras maternels.
– C'est impossible... mon chéri... Je te l'ai déjà expliqué."
Secouant de nouveau la tête, s'écartant de sa mère, il annonça qu'il les suivrait coûte que coûte. Une telle détermination dans les yeux d'un si jeune enfant sidéra Minako qui ne sut que répliquer. Et puis, au fond, elle se devait bien d'admettre que tout comme lui, elle ne tenait pas à être séparée de lui.
Opinant du chef, consciente qu'elle devrait batailler avec Trafalgar pour le convaincre de les emmener tous deux, elle pivota vers la galerie où il s'était engagé quelques minutes plus tôt. Posant une main sur la paroi, elle tendit l'oreille cherchant à localiser le pirate lorsque soudainement et contre toute attente, une énorme déflagration secoua toute la montagne, si bien que même sous ses doigts fins, elle sentit la roche trembler. Ne comprenant pas ce qu'il se passait, de nouvelles détonations ayant lieu, elle se tourna vers Liam et se rua vers lui lorsque tout à coup, une portion du plafond se détacha et s'abattit sur le petit garçon qui disparut sous les pierres.
Choquée, les yeux ronds, son cœur tout comme sa respiration se bloquant, Minako fixait l'amas de gravats alors qu'au loin, d'autres explosions retentissaient. Les jambes tremblantes, le regard hagard, elle s'approcha des débris jusqu'à ce que sentant un liquide chaud mouiller ses fines chaussures, elle abaissa ses prunelles émeraude. Du sang ?! Tombant à genoux dans la marre d'hémoglobine, sans même se préoccuper d'être ainsi souillée, elle regardait sans voir la réalité devant elle. Liam... Liam !!! Criait intérieurement son esprit alors que déconnectée, elle fixait cette petite main dépassant des gravats.
Brusquement, à mains nues, elle commença à déblayer du moins essayé, tentant d'atteindre son fils tout en l'appelant, les joues ravagées par des larmes ne trouvant pas de fin.
Ce fut ainsi que Law la retrouva. Alerté et inquiet par tout cela, peinant à croire à la folie humaine dont faisait les marines, il était revenu en courant. Or, la vue de la scène macabre qu'il découvrit lui déchira le cœur même s'il n'était pas un homme de sentiments. La mort, il la connaissait, l'avait même côtoyée à de nombreuses reprises et en était devenu le chirurgien. S'approchant lentement, il s'accroupit à ses côtés avant de recouvrir une épaule de sa main et de lâcher :
"Ça ne sert à rien, il est mort. Partons, ou nous subirons le même sort.
Agitant la tête de droite et de gauche, refusant d'écouter le ténébreux, Minako poursuivit à retirer pierre après pierre, se blessant les doigts, s'arrachant les ongles après la roche. La douleur ?! Elle ne la sentait plus, elle était comme anesthésiée et il fallut que Law la prenne par les épaules et la secoue avec force avant de réitérer avec plus de fermeté, la sordide vérité, pour qu'elle se fige.
Prostrée, le regard perdu sur un point invisible, elle s'écroula vers l'avant, contre le torse masculin. D'abord, immobile, elle referma pourtant très vite ses petits poings sur le manteau, le tachant de rouge, mais s'en souciant peu. Tournant la tête de droite et de gauche, frottant son front contre ce dernier, elle balbutiait d'une voix emplie de désespoir :
– Impossible... impossible..."
Puis, d'un coup, elle hurla le prénom de son fils encore et encore, l'appelant au travers du calme étant revenu.
Merde ! se disait le toubib en tentant de l'apaiser. Si elle continuait à crier de la sorte, leurs poursuivants comprendraient qu'ils étaient toujours en vie et ils recommenceraient. La rappelant à l'ordre, il la somma durement de se la fermer ce qu'elle ne fit point.
Agacé, réalisant qu'elle était juste en état de choc et ne se calmerait pas ainsi, il la réduisit au silence d'un baiser. Oh, ce n'était pas une caresse buccale, mais juste un moyen de la faire taire puisqu'alors qu'elle se débattait telle une enragée, cherchant à se dégager, il appuya à un point bien précis. Aussitôt, elle s'écroula inerte. S'écartant de la rouquine, portant son regard argenté sur la main dépassant des débris, il abaissa les yeux sur le visage de la mère. Des sillons salés ombraient son faciès. Tout ceci était bien regrettable songea-t-il en soulevant Minako entre ses bras. S'il n'était pas venu, ne les avait pas suivis et écouté sa génitrice, il vivrait encore. Oui, mais d'un autre côté, il le savait, en avait pleinement conscience, indirectement il avait sauvé sa maman puisque quelques minutes à peine auparavant, elle était assise là.
Une chose était sûre pourtant dans l'esprit tortueux du chirurgien de la mort : le réveil serait brutal autant que douloureux.
Sans perdre une seconde de plus, redoutant que tout cela ne reprenne, il s'engagea dans la galerie, marchant, s'épuisant en portant la jeune femme alors que derrière lui, sans doute les répercussions des précédentes explosions s'enchaînaient avec le gaz. Pressant le pas, il atteignait la sortie lorsqu'une déflagration dans son dos les propulsa à terre. Ils roulèrent dans la poudreuse, laissant quelques traces de sang tacher la poudre à la pureté incomparable. Geignant, Law se redressa péniblement, zieutant vers la grotte dont l'entrée était à présent obstruée par de grosses pierres. En tout cas, se dit le brun, ils ne les rejoindraient pas par là.
Replaçant son bonnet, ayant fini dans la neige, sur son crâne, il marcha doucement vers la jeune femme qu'il jeta cette fois sur son épaule avant de reprendre sa route. Il lui fallut plus d'une heure pour atteindre le rivage. Autant dire que ce fut avec soulagement que les Hearts le guettant sur le pont l'accueillirent à bord. Enfin... ils bugèrent surtout à la vue du paquet qu'il déposa sur le sol devant eux avant d'enjoindre à son assistant Owen de prendre soin de leur invitée. Tout en gagnant l'entrée, il exposa son diagnostic personnel, l'informant qu'elle ne souffrait d'aucune blessure physique si ce n'était des engelures sévères à ses pieds, pour le reste cela serait moral.
Aidé de Jean Bart, le colosse des Hearts délivrés à Shabaody, les Hearts transportèrent la jeune femme jusqu'à l'infirmerie où les jetant dehors comme des malpropres Owen commença à l'ausculter.
De son côté, Law avait regagné ses quartiers dans lesquels il se débarrassa de ses vêtements trempés avant de se glisser sous le jet d'eau chaude de sa cabine de douche. Exhalant un long soupir, savourant la caresse de ce liquide tiède, il abaissa les paupières, se réchauffant, alors qu'à l'extérieur ses hommes mettaient tout en œuvre pour libérer le Polar Tang de la glace le retenant prisonnier au bord.
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