Chapitre 5 : Fuite dans la montagne

Néanmoins alors qu'ils parvenaient à la sortie du village, Minako protesta se débattant de plus belle. Quitter ce dernier signifiait qu'elle ne reverrait plus son fils et cela, elle ne l'acceptait pas. Son enfant, Liam, passait avant tout le reste. Elle donnerait sa vie pour lui, mais jamais elle ne l'abandonnerait !
Agacé par la résistance de la jeune femme, Law perdit patience surtout que les cris des soldats approchant s'élevaient au loin. Ils étaient sur leur trace et s'ils ne partaient pas immédiatement, ils les rattraperaient. Chose qu'il ne souhaitait guère puisqu'il n'avait aucunement l'envie de combattre, surtout s'il devait veiller sur elle également.
La mine indéchiffrable, il l'agrippa par le col du manteau qu'il lui avait prêté et la tira plus près. Leur visage n'était plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, si bien que le souffle tiède et à l'haleine mentholée caressait sa peau et chatouillait ses narines. Se faisant cinglant, il lui rappela sa situation. Si elle restait, elle serait de nouveau enfermée et peut-être même éliminée pour l'avoir aidé.
"Je n'abandonnerai pas mon fils !
– Mourir exécutée est aussi une forme d'abandon. À toi de choisir celui que tu préfères."
Muette, les larmes mouillant ses cils, la rouquine ne sut que répliquer et lorsqu'il la libéra, elle ne bougea pas. Soupirant, levant le regard vers les montagnes enneigées, sachant la marche difficile qui les attendait, il abaissa les yeux sur les petits souliers de la boulangère. Elle ne tiendrait guère longtemps dans la neige avec pareilles chaussures. D'ailleurs, c'était déjà un miracle qu'elle soit parvenue aussi loin. Il pressentait que refusant de se plaindre par peur ou par fierté, elle souffrait d'engelures. Malheureusement, n'ayant pas de temps à perdre, chaque seconde jouant contre eux, il reprit la main de Minako et la devança.

Quelques kilomètres plus loin, les marines marchaient à vive allure pistant les fuyards, refusant de laisser fuir Trafalgar et Minako. Persistant, suivant les ordres directs de leur supérieur, ils atteignirent bien vite la sortie du village où les empreintes de pas indiquaient qu'ils avaient marqué une courte pause. Levant les yeux vers les pics rocheux, se fendant d'un large sourire et devinant où ces deux-là se rendaient de par le chemin qu'ils venaient de prendre, il donna des directives précises.
Ces idiots allaient traverser les anciennes mines, se protégeant ainsi du vent. Mais, alors même que cette voie se révélait, certes plus rapide, elle n'en demeurait pas moins bien plus dangereuse. Néanmoins, Trafalgar l'ignorait assurément, mais il était fort risqué de s'y aventurer puisqu'à l'intérieur il subsistait des nappes de butane qui risquaient d'exploser à la moindre étincelle. Et comme il refusait de perdre la face en laissant le supernova prendre la fuite, le colonel préférait le tuer et pour cela rien de mieux que des explosifs. Ces dernières, il se le jurait, seraient la tombe du couple s'efforçant de rejoindre la côte.
Donnant des consignes, attendant le retour de ses hommes munis de charges, il suivit les traces des fuyards avec la certitude qu'ils mouraient de ses mains. Pourtant, dans les hauteurs, le vent soufflait bien plus fort, tranchant et menaçant, tentant de toute évidence de les décourager. Cependant, déterminés, et assurément ralentis dans leur progression, les marines ne renoncèrent point à leur objectif.

Minako trébucha une énième fois, épuisée, ne sentant plus du tout ses pieds, et agaçant une fois de plus le ténébreux contraint de stopper leur avancée afin qu'elle ne se remette debout. Le vent s'était levé et une tempête menaçait de s'abattre sur les pentes enneigées ce qui servait, en un sens, leur fuite.
Toutefois, avisant de la rouquine, il dut se rendre à l'évidence, elle n'en supporterait guère davantage. Ils devaient s'arrêter un moment afin qu'elle se repose un peu. Claquant de la langue sur le palais, fouillant les environs de ses prunelles argentées, il repéra une cavité dans la roche. Il s'apprêtait à la soulever lorsqu'une voix cria le nom de la boulangère.
Plissant les yeux, Law tourna la tête pour voir arriver au pas de course et emmitouflé sous des couches de vêtements, un petit garçon. Grimaçant, il ouvrit la bouche prêt à émettre un commentaire lorsqu'il avisa de Minako bondissant sur ses pieds, oubliant la douleur et la fatigue pour accourir vers Liam. Tombant à genoux, à même la neige, la jeune femme étreignit sa chair et son sang. Laissant cette fois ses larmes ruisseler le long de ses joues. Or bien loin du chagrin éprouvé jusqu'à présent, elle pleurait de joie.
Sans un mot, et le visage fermé, il les rejoignit, puis leur conseilla de le suivre se mettre à l'abri. Ouvrant la marche, il fit à peine quelques mètres avant de zieuter derrière pour se rendre compte que personne ne lui emboîtait le pas. Quoi encore ?! Elle allait encore s'entêter ? se dit le chirurgien en revenant vers eux.
"Désolée, mais... mes jambes ne me portent plus..."
Mais bien sûr ! Elle n'avait pas hésité à courir vers son fils, et maintenant, elle était incapable de bouger. Vivement, la rudesse de son geste soulignant son mécontentement, il l'arracha de terre et la jeta sur son épaule comme une malpropre. Autant dire que ce traitement, loin de plaire à la jeune femme, eut pour effet d'attiser sa colère. Se débattant, elle frappa le dos du brun, lui ordonnant de la poser.
Sourd à ses protestations, conscient qu'elle ne ferait pas un pas de plus sans son aide, il la porta jusqu'à la petite cavité où il se faufila, Liam les talonnant. Énervé plus que de raison par le comportement de la rousse, il la laissa tomber sur le sol sans ménagement. Une plainte passa les lèvres de la boulangère qui les larmes aux yeux le toisa avec contrariété.
Pourtant, elle ne cracha pas son venin. Non, elle n'en eut point l'occasion puisque Liam vint se pendre à son cou. Adoucissant la colère de sa mère, cette dernière lui sourit avant de le questionner. Que faisait-il ici ? Aslan devait être mort d'inquiétude et le chercher partout.
Elle ne fut point surprise de l'entendre annoncer qu'il avait laissé un mot en disant qu'il était avec elle. Soupirant, lui ébouriffant les cheveux, elle rit malgré tout.
Assistant à ces effusions, n'en supportant point davantage, Trafalgar détourna le regard et marcha jusqu'à la sortie. Là, les yeux rivés sur l'extérieur, il scruta le paysage disparaissant sous une nouvelle couche de neige, occultant la mère et le fils de son esprit.
Il escomptait faire une courte pause, le temps pour la jeune femme de reprendre des forces, mais s'ils s'attardaient trop, les soldats les rattraperaient. À cette pensée, il fronça les sourcils et coula un regard vers Liam parlant avec entrain à sa génitrice. Ce fut à ce même moment que le faciès de la rousse s'illumina totalement. Or, il s'estompa rapidement à l'approche du chirurgien qui questionna le blond avec rudesse :
"Comment as-tu fait pour nous rejoindre aussi vite ?
– J'ai pris le raccourci des mineurs.
– Tout le monde en a connaissance ?
– Oui, je crois.
Grinçant des dents, se détournant pour retourner à l'entrée, il maudit sa mauvaise fortune alors qu'au loin il discerna des faisceaux de lampes balayant les environs. Ils étaient proches !
– Nous partons. Mais, sans lui !
Quoi ?! Comment ça sans son fils alors qu'il était avec eux ? Ne pouvait-il pas, par conséquent, se montrer aimable et leur permettre de demeurer ensemble ? Ouvrant la bouche, prête à protester et argumenter pour sa cause, elle se vit aussitôt réduite au silence par le pirate.
– La ferme ! Es-tu donc à ce point stupide ? S'il vient avec nous, il sera à jamais un fugitif. Tiens-tu réellement à ce qu'il passe le restant de ses jours à fuir ? Ne préfères-tu pas lui donner une chance de mener une vie honnête ?
Décontenancée par les arguments du brun, Minako battit des cils avant d'admettre qu'il n'avait pas tord. Si elle s'entêtait dans son égoïsme, elle condamnerait son fils à une existence de criminel, et cela, elle aimait mieux l'éviter. Serrant les poings, elle recouvrit de ses mains tremblantes les épaules de Liam dont les yeux brillèrent dangereusement. Il avait compris sans même qu'elle parle. Secouant la tête de droite et de gauche, en signe de protestation, le petit homme se jeta contre sa mère, la suppliant de ne pas l'abandonner, de rester avec lui ou plutôt de l'emmener.
Le cœur brisé, se contenant à grand-peine pour ne pas laisser libre cours à ses pleurs, Minako le pressa contre elle, glissant ses doigts dans les cheveux soyeux de son enfant. Pourtant, elle ne faiblit pas et s'écarta.
– Je t'aime Liam, de tout mon cœur. Mais, il a raison. Je ne veux pas que tu passes ton existence à fuir. Je jure qu'on se reverra, je reviendrai, je te le promets. Reste avec Aslan, il prendra soin de toi, je le sais.
– M... mais...", bafouilla le blond dont les sanglots reprenaient de plus belle.
Autant dire que la discussion s'éternisa si bien qu'agacé, Law y mit un terme en forçant Minako à se lever. Sortant dans le froid et la neige, il la tira à sa suite vers les mines qui, il le savait pour être venu par cette voie d'accès, donnaient sur l'autre versant de la montagne et donc, sur son sous-marin.
Ils devaient juste se presser et éviter de perdre du temps inutilement. Surtout lorsqu'on avait conscience que les forces de l'ordre étaient à leurs trousses. Ne se souciant point de la souffrance de la jeune femme, sa patience étant à bout pour l'heure, Trafalgar la traîna jusqu'aux grottes en question. Là, jetant un coup d'œil rapide en contrebas, avisant de la distance les séparant de leurs poursuivants, Law s'accroupit devant la boulangère et lui retira sans prévenir l'une de ses chaussures.
Sans un mot, le visage indéchiffrable comme toujours, il examina les dégâts et soupira. Du sang maculait l'intérieur du fin soulier, sans compter que ses membres inférieurs étaient gelés nota le chirurgien alors que ses doigts froids enserraient sa cheville. Enfin, après tout, cela était normal, elle n'était pas habillée pour ce genre d'excursion, et encore moins chaussée. Portant sa main sur les orteils, il créa une petite sphère bleutée autour de ces derniers et leur apporta les premiers soins. Il fit de même avec son jumeau avant de se redresser.

Trente minutes plus tard, s'engouffrant dans les ténèbres des mines, les fuyards aidés au moyen d'une tige luminescente progressaient dans le labyrinthe des galeries. Le col de son manteau de fourrure montant bien sur son visage, le protégeant des émanations de gaz. Jetant un bref coup d'œil vers sa compagne, il la vit maintenir fermement un mouchoir contre son nez.
Fort heureusement, les nappes étaient certes nombreuses, mais très irrégulières demeurant à certains endroits uniquement. La traversée de la montagne se révélait beaucoup plus aisée ainsi, à l'abri du froid, et malgré la douleur se ravivant dans ses pieds, Minako serra les dents, redoutant que cet homme à qui elle devait le chaos de son existence ne se montre, une fois de plus, antipathique.
D'un autre côté était-il réellement le pirate froid qu'elle tendait à croire ? Après tout, il les avait épargnés Liam et elle au matin, était venu la sortir de sa cellule pour enfin lui offrir une forme de liberté sous l'étendard de la criminalité. Un monstre sans cœur, elle le savait pour en avoir connu, n'aurait point hésité à tourner les talons sans un regard en arrière, l'abandonnant à son triste sort.
Elle en était là de ses pensées lorsqu'ils atteignirent une bifurcation. Contrairement aux nombreuses autres fois, il pointa du doigt une pierre émergeant du sol et lui intima d'un ton neutre :
"Assieds-toi, je reviens.
À cette déclaration, une vive angoisse lui noua le ventre. Allait-il la délaisser en ce lieu ? Sans doute devina-t-il ses craintes puisqu'il se fendit d'un sourire en coin avant de commenter :
– On ne peut déjà plus se passer de moi, miss ?"
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