Chapitre 3 : Arrestation

L'aplomb avec lequel elle venait d'énoncer les choses ainsi que le regard emprunt de défi qu'elle darda alors sur le grand ténébreux, n'amusa en rien ce dernier. Se voir ainsi comparé, même indirectement, ou pour la bonne cause ne l'enchantait point. Même si au final, il avait la vie sauve et que le résultat était, non pas excellent, mais correct. Ce qui énerva, cependant, le chirurgien de la mort, à un point qu'il n'était pas possible, ce fut la manière qu'elle avait eue de le regarder.


Oui, cette lueur qui dansait au fond de son regard émeraude et qui agaça Law plus qu'il ne l'aurait voulu. Et tandis qu'elle se levait, quittant sa chaise, il la saisit sans douceur par le coude, la tira vivement en arrière avant de refermer sa main droite autour du cou de la jeune femme et la renverser, le dos sur la table, envoyant tout ce qu'il s'y trouvait sur le sol.


La cafetière et les tasses, ainsi que l'assiette de tartines se brisèrent sur le carrelage tandis qu'un silence oppressant envahit la pièce.


Rivant son regard argenté s'étant brusquement assombri sous l'effet de la colère sur le visage gracile, il serra un peu plus ses dactyles sur le frêle petit cou de sa proie. Il n'avait point prévu de la tuer, mais là, elle dépassait les bornes. Puisqu'elle le prenait ainsi, pourquoi ne pas la punir et lui montrer ce qu'elle encourait à énerver un pirate de son envergure ? Et alors que d'une main il l'étranglait, le criminel, se trouvant entre les jambes de la jeune femme, glissa ses doigts longs et froids, marqués de lettres dont lui seul connaissait la signification, sous la jupe de sa victime. Terrorisée, elle cessa de respirer et même de se débattre. Les larmes aux yeux, le dévisageant, elle ne bougeait plus.

 

 


"Tu te résignes ? À moins que ce soit justement ce que tu espérais ? Te voilà bien docile."



En guise de réponse, pas de cris vains et inutiles, mais de fines perles salées et silencieuses ruisselèrent sur ses joues, se perdant dans la masse soyeuse de sa crinière de feu. Se délectant des petites gouttes qu'il cueillit de la pointe de sa langue, avant de tracer des sillons humides jusqu'à son décolleté, mordillant sa clavicule. Intrigué par le manque de réactivité de la jeune femme, il se redressa quelque peut lorsque tout à coup, un projectile de nature inconnue le frappa en plein visage.


À la fois surpris et contrarié, plissant les yeux sans même libérer son jouet du moment, il avisa de l'objet roulant sur le sol. Il s'agissait d'une petite sphère aux couleurs chatoyantes, rouge dont des étoiles dorées décoraient cette dernière. Le regard plus noir que jamais, il toisa l'indésirable venant s'immiscer dans ses affaires. Or, lorsque ses prunelles orageuses se fixèrent sur le nouveau venu, il fut quelque peu décontenancé.


En effet, à quelques pas de là, bien au-delà des débris de verre jonchant le carrelage, se tenait un garçon aux pupilles luisantes de haine et ne dépassant guère la table. De petite taille, Law lui donnait à peine cinq ans. Des cheveux blonds et courts encadraient un visage joufflu et contrarié dont les iris marron luisaient de mépris.


Le sourire glacial de Trafalgar s'élargit dangereusement alors qu'il se redressait lentement sans pour autant libérer sa proie. Ses doigts tatoués demeurèrent sur le cou gracile de la rouquine, la maintenant sur la surface froide de la table. Paniquée à la vue du petit garçon, Minako se débattit telle une enragée, plantant ses ongles dans la main l'étouffant. Tournant la tête vers l'enfant, peinant à respirer tant la poigne du ténébreux était dure, elle articula tant bien que mal :

 

 


"Liam, sauve-toi !



Mais, bien loin d'obtempérer, l'intéressé les genoux jouant pourtant des castagnettes, serra les poings et protesta avec force, arquant qu'il ne partirait pas sans elle. Amusé plus que de raison par la lueur de mépris dans les pupilles du blond ainsi que sa détermination à vouloir aider... sa sœur ? Sa mère ? Toutefois, quelque chose dérangeait Trafalgar chez l'enfant en plus de son insouciance à avoir envie de s'opposer à lui. En effet, l'apparence de cette tête blonde lui semblait vaguement familière. Cependant, ne tergiversant guère davantage, le pirate souleva sans douceur le corps de la rouquine dont il agrippa de sa main libre le menton, la forçant à le regarder.

 

 


– Lâche ma mère, ordure !!", cracha Liam, une fois de plus en ramassant un bout de verre brisé sur le sol.



Apeurée à la perspective de voir son enfant affronter ce criminel, Minako pâlit instantanément. Son sang se glaça dans ses veines, alors que son cœur s'emballa vivement, cognant à grands coups sa cage thoracique.


Mais alors, que la jeune femme s'efforçait de se dégager, d'échapper à son agresseur, Law, sourcils froncés, fixait le dénommé Liam. Son... fils ? C'était une blague ?! Et dire qu'il avait cru pendant quelques secondes qu'il s'agissait de son frère. Mais... son enfant... ? Cette donnée était tout bonnement surprenante. Effectivement, en avisant du gamin, il avait pensé, dans un premier temps et à juste titre, à des liens fraternels. Après tout, la femme entre ses bras devait être guère plus âgée que lui. Mais, si elle en était la génitrice, cela impliquait qu'elle l'avait eu bien tôt.


Liam tremblait tellement face à ce pirate dont la réputation, il la connaissait sans mal pour avoir vu sa photographie dans le journal que lisait son père chaque matin. Trafalgar Law, surnommé le chirurgien de la mort, se tenait au milieu de sa cuisine et malmenait sa mère.


Le cœur battant à tout rompre, la peur de perdre la seule personne chère à son cœur, il serra plus fort ses doigts sur le morceau de verre. Ce dernier lui entailla la paume et alors qu'un filet de sang ruisselait le long de ses phalanges pour goutter sur le sol de la pièce, Liam grimaça.


Il avait mal, se savait bien incapable face à ce criminel de renom, et pourtant il se refusait à quitter les lieux, à fuir la queue entre les jambes. S'il le faisait, il ne pourrait point protéger Minako, alors refoulant sa crainte viscérale ainsi que la douleur lui vrillant la main, il se jeta sur le ténébreux.

 

 


"Liam ! Non ! cria la rousse, consciente que cela était vain et risqué.



Et elle ne se trompait guère puisque, vif comme l'éclair et fidèle à sa réputation, il brandit son nodachi au moyen duquel il repoussa l'enfant. Fort heureusement, ce dernier toujours dans son fourreau n'infligea aucune blessure, sauf sans doute, une entaille bien profonde dans son orgueil de petit garçon.


Assis sur son postérieur, les bouts de verre brisés en mille morceaux s'enfonçant dans sa chair, Liam leva les yeux vers Law dont le sourire s'élargit davantage si cela était possible avant de pousser comme une malpropre Minako à terre, devant le blond en larmes.

 

 


– Apprends-lui le bon sens, si tu ne souhaites pas qu'il meure bêtement. Ce n'est qu'un idiot doublé d'un inconscient."



Sans plus se préoccuper du ténébreux et se contrefichant des débris lui lacérant la peau, elle se redressa hâtivement sur ses bras et rampa jusqu'à son fils qu'elle enlaça vivement et étreignit avec ardeur tant la peur de le perdre avait agité son âme. Donnant le dos au chirurgien, elle ne remarqua point le regard qu'il dardait, en cet instant, sur eux.


Tournant les talons, en ayant assez vu et fait également, il vida la pièce, mais aussi la maison de sa présence d'un simple Shambles. Il fallut bien plusieurs minutes à la rouquine pour se rendre compte qu'ils étaient de nouveaux seuls.


Agrippée au cou de sa mère, Liam pleurait sans parvenir à se calmer et il fallut des trésors de patience à la jeune femme pour le rasséréner. Frottant mécaniquement son dos, fredonnant une chanson enfantine qu'elle lui chantait depuis le berceau et qu'il appréciait, elle le sentit s'apaiser et se détendre.


S'écartant quelque peu de lui, déposant un baiser sur son front tout en le remerciant pour son aide et son courage, elle abaissa finalement les yeux sur les mains de son fils.


Prenant cette dernière entre ses doigts, elle examina la plaie. Fort heureusement, elle n'était pas profonde et n'aurait point besoin de le conduire à la clinique pour quelques points de suture.


Doucement, elle se remit sur pieds, tendant les bras au blond qui bien heureux se laissa porter. Avec douceur, elle le mena sur le canapé et l'y installa avec tendresse alors que se munissant de la trousse de premiers soins, elle désinfecta la blessure en veillant à ce qu'aucun morceau de verre ne demeure à l'intérieur.


Et tandis qu'elle le bandait, elle le remercia pour son courage. Mais, nullement satisfait par ces mots, Liam abaissa tristement la tête lui rappelant son impuissance face à cet homme. Posant une main sur le sommet du crâne de son fils, un sourire tendre aux lèvres, Minako lui assura qu'il l'avait aidée plus que nécessaire avant de le supplier de ne plus jamais commettre pareille folie. Il était bien trop petit pour ce genre de choses et elle ne voulait pas le perdre. Elle n'y survivrait pas, elle le savait. Liam, malgré les circonstances de sa naissance, était précieux pour la jeune femme. Il était toute sa vie, sa raison d'exister...

Deux heures s'étaient écoulées depuis le départ du chirurgien de la mort. Minako avait rejoint la boutique, son havre de paix qu'elle affectionnait particulièrement et qui lui avait été légué par ses parents adoptifs.


Depuis qu'elle vivait avec eux, elle travaillait comme une forcenée, avait appris le métier à leurs côtés, mais aussi de celui d'Alan. Ce dernier affichait la trentaine et de nature joviale avait fini par tisser des liens profonds avec Minako. Avec le temps, et à force de persévérance, il avait su se frayer un chemin jusqu'au cœur de la rouquine. Cependant, il déplorait encore à ce jour, de ne point obtenir de réponse à sa demande en mariage.


Exhalant un long soupir, il coula un coup d'œil vers la maîtresse de son cœur dont la main bandée l'intriguait. Néanmoins, se refusant à toute indiscrétion, il préféra brider sa curiosité. Il en était là de ses pensées lorsque les marines firent irruption dans la petite boutique.


S'engouffrant tels des forçats sous les regards sidérés des quelques clients présents ainsi que d'Aslan et de Minako, le colonel responsable du groupe s'approcha et se campa devant le comptoir. Or, bien loin de s'inquiéter ou même de s'interroger sur les raisons de leur présence, la jeune femme les salua. Elle devinait sans mal le motif de leur venue intempestive, surtout lorsque ses yeux s'abaissèrent sur la tête aux cheveux d'ange, sortant de derrière l'attroupement de soldats. Elle aurait dû s'y attendre. Lui et son sens de la justice... Elle ne le blâmait point, puisqu'au fond, elle l'avait toujours encouragé à agir ainsi.


De plus en plus intrigué, Aslan coula un regard vers la jeune femme à sa droite qui l'ignorant superbement, abandonna la caisse et alla au-devant de la marine. L'officier présent darda ses yeux accusateurs sur la boulangère tandis que ses hommes, sans y être conviés, s'élancèrent dans sa demeure par la porte communicante. Elle entendait, les poings serrés et sans pouvoir intervenir, leurs allées et venues, renversant, cassant les meubles et les objets auxquels elle tenait. Mais, hors de question de pleurer, de s'abaisser à cela. Elle ne récoltait que le fruit de ses agissements. En effet, elle avait aidé un criminel. Pire ! Elle lui avait sans nul doute possible sauvé la vie, sans jamais alerter les autorités de sa présence chez elle. Inutile d'être devin pour comprendre qu'ils la percevaient comme une complice.


Le soldat, face à la jeune femme qu'il connaissait pourtant bien — mais qui ne savait pas qui était Minako la boulangère ? Depuis son arrivée sur l'île quelques années auparavant, enceinte et vraiment en piteux état, elle avait été recueillie et soutenue par les précédents faiseurs de pain qui lui avaient tout enseigné avant de lui céder leur magasin. Ils avaient vu l'étrangère aux cheveux rouge, terne, au regard éteint, revenir à la vie. À présent, elle avait toujours un sourire chaleureux à offrir aux gens qu'elle croisait, et n'hésitait point à aider son prochain.

 

 


"Minako, Liam affirme que le pirate, Trafalgar Law se trouvait chez toi, ce matin. Est-ce vrai ?"


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