Chapitre 2 : Intervention sous haute tension

"J'essaye de vous aider..., fit-elle dans un souffle.


Il la jaugea entre ses cils plissés, peinant à garder les yeux ouverts, avant de soupirer et la libérer. De toute manière au moindre geste suspect, il n'hésiterait pas à lui arracher la vie. Enfin... Ça s'était vite dit, pensa-t-il. Dans son état, affaibli et agonisant, il ne pourrait assurément pas lui faire le moindre mal. Et si elle se décidait à le fuir maintenant ou à le tuer, il n'aurait point la force de résister. Mais, hors de question, qu'elle le réalise.


Nullement impressionnée par le regard noir dont il la gratifiait et sans doute un poil inconsciente, la rouquine souleva le bas du pull jaune canari, révélant ainsi la blessure ensanglantée du jeune homme. Pâle, inquiète vu l'abondance du sang s'en écoulant, elle marmonna :

 

 


– Il vous faut un docteur."



Très drôle, pensa aussitôt Trafalgar en tentant un sourire qui ressembla davantage à une grimace. Il était lui-même médecin, mais se trouvait bien incapable d'intervenir sur sa personne pour le moment.


En définitive... malheureusement cela n'était point possible et pour deux bonnes raisons. Premièrement, elle ne se risquerait pas à aller le chercher dans ce blizzard. Deuxièmement, elle doutait qu'il la laisse partir, même pour aller quérir quelqu'un de plus compétent pour le soigner. Cette constatation la chagrina, car elle ne savait pas du tout quoi faire.


Enfin si ! Elle connaissait quelques petites choses. Sans l'once d'une hésitation et malgré les faibles protestations échappant au chirurgien, elle le défit de son haut qu'elle jeta sur le sol à leurs pieds alors que les flammes rougeoyantes nimbaient de leur couleur flamboyante la musculature masculine, donnant une autre dimension aux pectoraux saillants du pirate.


Torse nu devant la ravissante rousse, cette dernière marqua une courte pause, les yeux rivés sur le corps dénudé du jeune homme. Il était drôlement bien bâti malgré sa fine silhouette, et ses tatouages tribaux étranges, nota-t-elle mentalement.


Trafalgar Law croisa le regard appuyé de la propriétaire des lieux et esquissa un sourire en coin. Il trouvait déjà bien étonnant que cette inconnue qu'il avait agressée afin d'obtenir un peu d'aide se décide à lui apporter son soutien sans contrainte. Mais, ce fut d'une voix moqueuse qu'il lâcha :

 

 


"Cesse de... baver, miss. A... porte-moi la trousse de secours, du... fil et une aiguille ! ... Et pas... d'entourloupe !



Baver ?! Son amour-propre en fut blessé. S'imaginait-il si beau qu'elle en avait perdu la tête ?! Elle allait se faire un plaisir de le remettre à sa place. S'essuyant la bouche discrètement, malgré tout, comme pour s'assurer qu'aucun filet de bave ne coulait à la commissure de ses lèvres. Geste qui n'échappa point, cependant au regard acéré du pirate qui ne fit, néanmoins, aucun commentaire. Pour sa part, Minako se redressa et lui jeta son pull maculé d'hémoglobine au visage avant de lâcher :

 

 


– Navrée, mais je suis loin d'être intéressée. Pas mon truc les criminels."



Il eut envie de sourire, mais n'en fit rien. Après tout, que lui importait ce qu'elle affirmait. Tout ce qu'il désirait était qu'elle l'aide à extraire ces balles. Chose qu'il pourrait faire seul en temps normal, mais les projectiles s'étant logés dans son corps n'étaient pas anodin. Non, ils étaient faits de granit marin. Matériaux redoutables pour les utilisateurs des fruits du démon comme lui. Non seulement il se sentait vidé de toute énergie, mais en plus, il se trouvait privé de ses pouvoirs et livré au bon vouloir de cette étrangère. Il ne lui restait plus qu'à retirer lui-même, de ses doigts, les balles enfoncées dans sa chair.


Tandis que Minako s'éclipsait afin de récupérer le nécessaire, Law prêtait une oreille attentive au moindre bruit, préférant s'assurer qu'elle ne profitait pas d'être hors de portée pour fuir ou appeler au secours. Ce qu'elle ne fit pas, à la surprise de Trafalgar, et réapparut quelques minutes plus tard.


Malgré les apparences et sa surprenante docilité, Minako n'en menait pas large. Elle aurait dû tirer profit de cette occasion pour échapper à ce criminel, mettre un maximum de distance entre eux, et pourtant elle s'y était refusée.


Préférant laisser de côté le fait qu'il s'agisse d'un pirate et qu'il l'avait menacée afin d'obtenir son aide, la demoiselle avait choisi de lui apporter son soutien. Criminel ou pas, il n'était pas dit qu'elle permettrait à quelqu'un de mourir sous son toit. Elle chérissait bien trop la vie pour cela. Et puis... Quelques années auparavant, elle avait échoué en ce même lieu, blessée et meurtrie par l'existence, pourchassée et recherchée par bon nombre de personnes, et bien loin de la livrer, les habitants l'avaient cachée et soutenue. Depuis, elle n'était pas partie et affectionnait les villageois. Ce geste, surtout en cette période de l'année, elle le faisait de bon cœur.


Revenant chargée du nécessaire qu'elle abandonna sur la table basse de bois verni, elle s'agenouilla près du canapé avant d'aider le blessé à s'étendre. Soupirant, inquiète, ne sachant point à quoi s'attendre, elle leva les yeux sur le visage masculin, croisant son regard métallique, trouble et lointain. C'était comme s'il n'était plus là, comme s'il était ailleurs, absent. Comprenant qu'il perdait pied, que sa conscience s'évanouissait, elle lui tapota la joue tout en l'interpellant. Chose assez compliquée lorsqu'on ignorait jusqu'à son identité.


Mais, tout à coup, une poigne dure et ferme bloqua sa main, broyant ses doigts assenant des coups. Laissant une plainte franchir la barrière de ses lèvres, Minako chercha à se dégager, en vain. Ce ne fut qu'après plusieurs secondes qu'il la lâcha avant de lui donner quelques consignes sur la manière de procéder.


Médusée, le regard vert de Minako allait du faciès du brun à la plaie dégoulinante de sang. Quoi ?! Sérieusement ?! Secouant vigoureusement la tête de droite et de gauche, elle esquissa un mouvement de recul. Autant dire que l'horreur se lisait sans mal sur son minois bien trop expressif. Pourtant, elle protesta encore et encore arquant avec force qu'elle n'était pas médecin ! Elle ne pouvait point exécuter une opération de cette envergure. Extraire une balle n'était pas du tout dans ses cordes !


Mais, loin de la laisser s'enfuir et perdre ainsi le seul moyen de survie à sa portée, il le savait, en avait pleinement conscience, il lui saisit de nouveau le poignet, sans pour autant le serrer, cette fois.

 

 


"Je ne pourrai pas... le faire."



Notant que sa poigne s'amenuisait en vigueur, elle réalisa, consternée, qu'il ne jouait point la comédie. S'obligeant donc à obtempérer, elle se munit du scalpel qu'il lui tendit, l'ayant sorti, elle ne savait point d'où. Mais évitant de trop s'interroger, et le temps semblant visiblement compté, elle suivit les instructions du pirate à la lettre. Ou tout du moins, du mieux qu'elle le put.


Dès qu'elle eut agrandi la plaie, retenant tout juste un haut-le-cœur, menaçant de voir le contenu de son estomac se répandre sur le sol, elle leva un regard interrogateur vers le blessé.


Quoi ?! Sérieusement ?! Il se moquait d'elle ?! Les yeux clos, il la laissait se débrouiller seule ! La peur au ventre, redoutant un bref instant qu'il soit mort, elle prit son pouls. Ce fut avec un réel soulagement qu'elle sentit de faibles pulsations sous la pulpe de ses phalanges. Rassurée, elle considéra la blessure sachant pertinemment qu'elle allait devoir extraire ce foutu projectile. Le cœur battant le souffle court, et la nausée la reprenant à l'idée de fourrer ses dactyles longs et fins, dans la chair meurtrie de cet individu.


Ce fut un gémissement tout juste audible, de ceux que Trafalgar ne laissait pourtant jamais franchir ses lèvres en temps normal qui la rappela à l'ordre. Elle ne pouvait point se permettre d'hésiter plus longtemps, chaque minute, chaque seconde risquait de pousser cet homme de l'autre côté. D'accord, mais glisser sa main dans le corps de quelqu'un et fouiller à l'intérieur, jouer de la pulpe de ses doigts contre ses entrailles, afin d'y trouver un quelque chose... Rien que cette idée l'écœurait. Se morigénant pour pareilles pensées dans un moment si délicat, elle inspira une grande goulée d'air en se convainquant que ce serait comme vider un poulet. Oui, un vulgaire poulet ! S'efforçant de se persuader qu'il s'agissait là d'une volaille, elle insinua deux de ses dactyles dans la plaie, tout en épongeant d'une serviette propre, le sang se répandant sur les draps. Après plusieurs minutes à fourrager les entrailles du chirurgien de la mort, elle en sortit une bille minuscule de métal gris foncé, presque noire. Étrange pour une balle, se dit-elle en l'abandonnant dans une petite coupelle. Elle en retira deux autres avant de se décider à le recoudre.

Le soleil filtrait tout juste au travers de la fenêtre de la cuisine dans laquelle Minako s'activait depuis peu. Ayant abandonné le chevet du pirate auprès duquel, elle était demeurée sans en comprendre réellement la raison.


Affairée autour des fourneaux, ce fut un bruit provenant de la pièce attenante qui la força à lever les yeux. Ce fut à cet instant qu'elle le vit approcher lentement, d'un pas méfiant tout en finissant de boutonner la chemise masculine qu'elle lui avait laissée dans l'un des fauteuils.


Détournant le regard, elle entreprit de se servir une généreuse tasse de café avant de s'installer à table. Prenant un morceau de pain, elle le beurra, au préalable, avec mille précautions et y mordit à pleines dents. La vérité était surtout qu'elle s'efforçait d'éviter le pirate et d'ouvrir un dialogue. Tout ce qu'elle voulait à présent était qu'il déguerpisse au plus vite.


Une fois le dernier bouton fermé, Law mangea calmement la distance le séparant de la rouquine, et alors qu'elle reposait la tasse qu'elle venait de porter à ses lèvres, il la saisit sans un mot et en but quelques gorgées. Médusée, elle l'était comme en témoignait son regard à la fois sidéré et réprobateur. Non, mais pour qui se prenait-il ? Était-ce là une manière de se comporter avec la personne qui lui avait sans doute sauvé la vie ? Sans compter, qu'elle aurait pu profiter de son sommeil pour appeler la marine.


Portant sa tartine de pain à sa bouche, elle y mordit à pleines dents avant de tendre la main vers la tasse vide qu'elle avait préparée pour lui. L'ignorant superbement, comme s'il n'était pas là, elle se servit une nouvelle dose de caféine.


Law l'observait du coin de l'œil et nota sans peine une certaine raideur dans ses gestes soulignant une appréhension. Elle était tendue et sans nul doute possible, il en était la cause. Un sourire au coin des lèvres, demeurant immobile devant elle tout en sirotant sa tasse, il demanda d'un ton neutre, voire indifférent :

 

 


"Des connaissances en médecine, miss ?

 


– Aucune.



Minako tressaillit au son de la voix masculine, non pas parce qu'elle avait peur ou autre, mais parce qu'ajouter à la crainte évidente qu'il lui inspirait, le ton grave et velouté de cette dernière la surprit littéralement.

 

 


– Tu as pourtant bien recousu la plaie, observa-t-il en plissant les yeux.



Crispant les doigts sur sa tasse, elle hésitait à répliquer. Elle ne pouvait tout de même pas, à moins d'être suicidaire, lui expliquer qu'elle l'avait comparé à un vulgaire poulet. Nul doute, que cet homme dont il émanait une aura sombre, presque dangereuse, ne rechignerait point à lui tordre le cou.


Posant une main sur le bord de la table, juste sous le nez de la rouquine, attirant ainsi son attention sur sa personne. Rencontrant les prunelles grises, elle déglutit péniblement avant de souffler :

 

 


– Mes talents sont culinaires. C'est ainsi que je ferme un poulet après l'avoir farci."


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