Chapitre 10 :

Gregor paniqua instantanément et se ruait déjà vers la sortie lorsqu’une voix le stoppa.
« Inutile de donner l’alerte. Notre ennemi ne se trouve point ici. Contente-toi de t’assurer que mes invités ne manquent de rien. Ma présence est requise en ce lieu pour l’heure. »
Gregor hésita quelques secondes sans lâcher la chose sur le marbre. Néanmoins, ne pas exaucer les souhaits de son employeur équivaudrait à une faute grave. Après une dernière inclinaison de respect, il s’éclipsa.
Sans un mot, l’homme contourna la forme inerte et s’approcha de la porte brisée. Le vent glacial ainsi que la pluie s’infiltraient à l’intérieur. Doucement, il dévissa sa canne et en sortit une pierre, somme toute banale, qu’il déposa sur le sol. Puis, de l’index, il traça des runes qui s’éclairèrent à chaque syllabe énoncée. Une barrière verdâtre et transparente s’érigea tel un bouclier et empêcha les éléments de se déchaîner à l’intérieur.
La pièce recouvra sa sérénité antérieure alors que la chose inerte jusqu’à présent se mut légèrement. Le tissu noir glissa et révéla une silhouette masculine. L’individu, bien que vivant, paraissait souffrir mille maux. Du sang coulait avec abondance de certaines de ses blessures. Des entailles plus ou moins profondes occasionnées par un objet tranchant et inconnu. Sa respiration haletante démontrait au besoin du calvaire subit, mais également de l’énergie dépensée pour fuir son assaillant.
Il se redressa péniblement sur ses bras. Bordel, il dégustait comme jamais ! Un filet de sang coulait de son crâne et brouillait sa vue de rouge. D’un geste las, il l’essuya. Ce ne fut qu’à cet instant qu’il remarqua l’homme debout en face de lui.
« Arthérios…
Le vieil homme scruta le blessé. Il semblait avoir rencontré un adversaire de taille. Et pour cause : en dix ans de service, c’était bien la première fois qu’il revenait dans un état aussi pitoyable.
Avec difficulté, Orion s’agenouilla tant bien que mal devant son interlocuteur. Tête baissée, il lui narra les faits. Sans surprise, Arthérios découvrit que l’expédition d’Orion et ses hommes se soldaient par un échec. Enfin, pas tout à fait puisqu’ils savaient que Elenthia ne se trouvait pas entre les mains d’un monstre.
Malheureusement, les conséquences de cet échec s’avéraient conséquentes. Ses hommes avaient péri sous l’assaut de l’ennemi.
— Je t’avais recommandé de faire montre de prudence et de discrétion.
— Je… j’ignore comment… Mais à l’instant même où nous avons débarqué, il le savait.
— Plus retors qu’un serpent. J’avais raison de me méfier de lui.
— Certes. Toutefois, il la recherche aussi.
Cette information rassurait le vieil homme qui opina doucement de la tête avant de conseiller à son subordonné de se faire soigner et prendre quelques jours de repos pour se remettre de ses blessures. Il l’informa, également, qu’il se contenterait de travail de bureau après cela. Un coup en plein cœur. Arthérios le reléguait à de la vulgaire paperasse ! Serrant les poings, il accepta son sort.
— Tu seras en liaison avec Sirius. Tu es le plus apte à le seconder depuis l’organisation. »
Cette information contrairement à la précédente lui réchauffa le cœur, même si œuvrer pour la réussite de cet enculé de Sirius l’écœurait. Il détestait cet homme ! Mais cette aversion ne regardait que lui.

Un peu plus tard, Arthérios rejoignait ses convives. Attablés autour d’une immense table en chêne massif, ils s’impatientaient de toute évidence. À l’entrée du maître des lieux, tous, sans exception, se levèrent en un salut révérencieux. Tête penchée en avant, la main sur le torse, ils arboraient tous une même tenue. Un pantalon noir assorti d’une veste. Sur cette dernière, des liserés blancs dessinaient les contours jusqu’à venir former des boutons gravés d’un symbole. Le même que celui tatoué sur les assaillants du Polar Tang.
Ils étaient au nombre de onze. Certains jeunes, d’autres plus âgés, mais soumis à la même autorité. Arthérios se dirigea vers le siège en bout-de-table et s’installa. D’un geste de la main, il leur ordonna de s’asseoir. Avec calme, il débuta le début de la réunion et les informa de la situation. Il ne dissimula point la situation d’Orion.
À la mention de cela, des regards inquiets s’échangèrent. Si tel était le cas, cela n’augurait rien de bon pour le futur. Leur force de frappe risquait de ne pas s’avérer suffisante face à un tel ennemi.
« Il cherche également la clé. De toute évidence, elle lui a été dérobée.
— Qui oserait ? Ce n’est pas quelqu’un qu’on défie sans conséquence, observa un homme d’une quarantaine d’années.
— Son identité m’importe peu. Néanmoins, Sirius suivait une piste intéressante. Avec mon aval, il poursuit ses investigations.
- Sirius ? Mais, n’est-ce pas trop risqué ?
— Sirius a ma confiance totale. Et je n’attends de lui que des résultats. »
La réunion se poursuivit ainsi pendant plus de deux heures durant laquelle tout le monde dressa un tableau de leur situation respective. Sans grande surprise, chaque faction de l’organisation ne savait rien. Mais comment le leur reprocher ? Trouver la clé de Thalendis en ce vaste monde équivalait à chercher une aiguille dans une botte de foin.
Fort heureusement, une idée germa dans l’esprit de Jupiter et pas des moindres. Et sans attendre, il exposa ses projets pour la réussite de leur objectif commun. Une alliance. Oui, une alliance dangereuse, mais qui leur assurerait, sans l’ombre d’un doute, la réussite.

Assis derrière son bureau, le maître du château parcourait les rapports reçus des quatre coins du monde. Chacun faisait mention de la situation actuelle de leur trafic respectif ainsi que du chiffre d’affaires engendré. Certains sollicitaient également des moyens plus conséquents. Une aide qu’il étudierait calmement une fois que le calme serait revenu dans son royaume.
Alors qu’il finissait la lecture de l’un d’entre eux, on frappa à sa porte. Dans un froncement de sourcils, dissimulé derrière ses verres teintés de rouge, le blond invita son visiteur à entrer. Il s’agissait de son plus fidèle ami et bras droit : Trébol. L’homme pâte à mâcher, surnom dû à son fruit du démon, glissa sur le sol pour s’immobiliser devant son seigneur et maître : Doflamingo Donquichotte.
Ce dernier ne patienta guère plus de trente secondes pour entendre le rapport de situation de Dressrosa. Les intrus avaient été neutralisés. Quant aux survivants, soumis à la torture pour leur arracher des informations, ils étaient tous morts. Morts, mais sans avoir délié leur langue.
Autant dire que cela agaça le shichibukaï. Il détestait ignorer l’identité de ses ennemis. Et ses intrus en faisaient visiblement partie.
« J’avais dit de ne pas les tuer. Au moins un devait survivre, grogna le blond.
— Leur mort n’est rien de plus qu’un suicide. Ils avaient une capsule de poison dans une dent. Et la seule chose que nous savons est ceci.
Tout en parlant, il remit à Doflamingo un petit dossier dans lequel se trouvait le dessin du symbole de l’organisation dirigée par Arthérios. Et autant dire que Trébol n’avait pas lésiné sur les moyens pour satisfaire son maître. En effet, dès qu’il avait constaté que ce tatouage se trouvait sur chacun de ses individus, il avait compris que cela signifiait quelque chose. Et il ne s’était point trompé. Il avait donc consulté des informateurs, mais aussi des livres de la bibliothèque royale.
— Il s’agit d’une organisation secrète. Jusqu’à présent, elle faisait profil bas. Leur leader œuvre sous le pseudonyme d’Arthérios et personne ne connaît son identité.
— Une organisation poursuit forcément un but. Quel est le leur ?
— Elenthia.
Elenthia… Ce nom ressurgissait depuis tant d’années. Son regard se durcit sous l’effet d’une colère depuis trop longtemps contenue. Constatant de la fureur grandissante de Doflamingo, Trébol s’empressa d’aborder le deuxième sujet et lui tendit le second dossier. Sans un mot, le faux roi le saisit et l’ouvrit. Il parcourut les lignes noircissant la page et se fendit d’un large sourire.
— Comme c’est inattendu et… intéressant, fufufufu~ »

La porte du réfectoire s'ouvrit dans un grincement de métal familier, laissant échapper quelques reflets de lumières blanches qui rebondissaient sur les parois de l'étroite allée menant au cœur de la vie quotidienne du submersible. Les membres de l'équipage pénétrèrent un à un dans la salle, marquant une pause, comme pour laisser leurs fardeaux à la porte.
Le réfectoire était une pièce modeste mais bien organisée, conçue pour maximiser l'espace dans les limites confinées du sous-marin. Les murs, enduits d'une peinture anti-corrosive gris acier, étaient tapissés de posters délavés par l'humidité – une carte maritime, une pin-up des mers du Nord et un tableau des poissons les plus toxiques. Des rangées de tubes néons s'étiraient au plafond, conférant une luminosité efficace mais à la chaleur absente. Et, le long de ces murs, des étagères de rangement bourrées de provisions s'alignaient méthodiquement, avec des bocaux d'ingrédients divers et de conserves, étiquetés de manière à ce qu'on puisse les identifier d'un simple coup d'œil.
Le centre de la pièce était dominé par une longue table métallique, cerclée de bancs soudés à sa structure. Son plateau, usé par les repas successifs, portait encore les stigmates des parties de cartes endiablées et des discussions animées. Là, les empreintes du quotidien formaient comme un palimpseste des jours passés en équipe, des rires partagés, des tensions évaporées.
De chaque côté de la table, les membres de l'équipage prenaient place, laissant leurs corps épouser le froid confort des bancs qui leur étaient assignés par l'habitude. Des rires discrets et des conversations émergeaient de ce rassemblement, alors que chacun prenait soin de ne pas claquer trop fort son écuelle contre le métal, conscient du tintamarre que cela pouvait engendrer dans l'espace clos.
L'ambiance dans le réfectoire était celle d'une tranquillité momentanée, un interlude dans la vie dangereuse et imprévisible des pirates. Au-delà des coques d'acier, l'océan pressait son étreinte froide, mais ici, au sein de cette bulle de vie, se trouvait un semblant de foyer.
Le repas commençait, simple mais nourrissant, servi dans de grands plats métalliques communautaires où chacun pouvait puiser à sa guise. Les conversations s'animaient progressivement, passant de murmures à des échanges plus vifs, pars de plaisanteries et d'anecdotes, la routine fragile de ces corsaires des profondeurs se déployant une fois encore autour de ce repas partagé.
Les rires et les éclats de voix remplissaient l'ambiance de la salle commune où l'équipage des Hearts s'était retrouvé pour leur repas habituel.
Minako, les bras croisés et l'air quelque peu boudeur, scrutait l'assemblée du regard alors qu'elle aidait Ban au service des plats. Le bouillant cuisinier, grand maître des saveurs et de l'improvisation culinaire, lançait des assiettes pleines de ses dernières créations avec une dextérité qui laissait l'équipage pantois. C'était un spectacle à lui seul, et Minako ne pouvait s'empêcher d'apprécier le talent de l'homme.
"Essaie de sourire un peu, Minako ! taquina Penguin depuis sa place à table, une fourchette à la main. On dirait que tu vas partir en guerre contre notre repas !
Minako répondit d'un regard noir.
– Je sourirai le jour où Law arrêtera de se comporter comme un sombre idiot, répliqua-t-elle, l'irritation perçant dans sa voix même si un faible sourire trahissait son amusement.
L'équipage émit quelques rires étouffés, connaissant trop bien le tempérament fougueux de la jeune femme. L'un des pirates, une montagne nommée Ren, laissa échapper un rire tonitruant.
– Ah, Minako, dit-il en secouant sa grande tête. Ta langue est bien aussi affûtée que les scalpels du capitaine !
Au milieu des plaisanteries et des conversations, un cri de surprise coupa court à l'animation. Tous les regards convergèrent vers Shachi, un des plus jeunes membres de l'équipage, qui levait un morceau de pain en l'air comme s'il avait trouvé un trésor.
– Par tous les océans, s'exclama-t-il, du pain frais ! On n'en a pas eu depuis une éternité !
Des approbations enthousiastes jaillirent de toute part, l'odeur alléchante du pain croustillant s'insinuant dans chaque coin de la pièce. L'équipage semblait prendre le repas d'aujourd'hui comme une fête improvisée, et même la morosité apparente de Minako sembla s'estomper face à la joie contagieuse de ses compagnons.
– Alors, qui est l'artisan de cet miracle ? demanda Bepo en tendant la patte pour se servir un morceau.
Ban, le dos droit et un sourire fier aux lèvres, prit position au centre de la pièce.
– C'est une oeuvre de Minako. La demoiselle est boulangère.
Tous les regards se tournèrent alors vers Minako, qui haussa les épaules dans un geste qui se voulait désintéressé mais qui dévoilait une satisfaction difficile à cacher.
– Pas la peine d’en faire tout un plat, dit-elle. Mais attendez de goûter avant de me remercier. On ne sait jamais le four de votre navire est un peu capricieux et Ban mauvais comis. Il pourrait bien vous servir de la brique au lieu de pain.
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