Chapitre 1 : Peur Sanglante

Des bruits de pas de course s’élevaient dans l’un des nombreux couloirs, plongés dans l’obscurité totale. À un tournant, Kayla arrêta pour regarder autour d’elle avant de décider de la direction à suivre et de reprendre son chemin.
Elle priait intérieurement pour parvenir dans la salle de réception avant qu’il ne soit trop tard. Car elle savait une chose : l’heure était grave, comme en témoignaient les hurlements de terreur qui retentissaient de part et d’autre du palais. Elle devait impérativement retrouver sa meilleure amie et s’assurer qu’elle allait bien.
Le cœur battait à tout rompre dans sa poitrine alors qu’elle courait aussi vite que sa robe de bal et ses talons hauts le lui permettaient. Après plusieurs minutes, la salle apparut au bout du corridor. Le souffle court, elle s’arrêta dans sa foulée, regardant droit devant elle. Curieusement, un nœud se forma au creux de son ventre tandis qu’un sombre pressentiment s’insinua en elle. Les hurlements avaient cessé, le silence régnait de nouveau, mais cela demeurait inquiétant. Sur ses gardes, elle avança d’un pas, puis un autre lorsque son pied heurta quelque chose au sol. Interloquée, elle baissa le regard et plissa les yeux. Ses prunelles, déjà habituées à la pénombre, distinguèrent une tête d’être humain. Épouvantée, elle bondit en arrière tandis qu’un cri s’échappait de sa gorge.
Elle observa alors la scène autour d’elle pour découvrir des membres jonchant le marbre au milieu d’une mare de sang. Ses jambes flageolèrent tandis qu’elle se demandait quel genre de monstre pouvait perpétrer de telles atrocités. Fermant les yeux, elle jugula la peur qui lui vrillait les entrailles. Elle ne pouvait guère se permettre de demeurer ici et de trembler. Au contraire, au vu de la situation, il devenait crucial de retrouver son amie d’enfance. Elle ne pouvait pas accepter l’idée qu’elle puisse périr en ce lieu, dans de pareilles circonstances.
Sans attendre ni même réfléchir aux conséquences, elle s’élança droit devant elle. Sa gorge était sèche, ses poumons peinaient à faire leur travail.
Elle déboula quelques minutes plus tard dans la salle de réception, se figea instantanément en découvrant le spectacle macabre qui s’offrait à elle.
L’endroit était plongé dans la pénombre, seulement éclairée de la lueur blafarde de la lune. Tous les candélabres et lustres ne dispensaient plus aucune lumière. Au centre de la pièce, en face d’elle, se tenait une silhouette massive et imposante. Elle déglutit péniblement alors qu’elle examinait la scène, le cœur battant tandis qu’un sentiment de crainte s’insinuait dans ses veines. Elle ne voyait l’individu que de dos, et pourtant il était immense.
Autour de lui, il y avait des membres arrachés et découpés jonchant le sol. Le sang maculait le marbre sous ses pieds, les murs et même le plafond. Signe que ce qu’il s’était déroulé en ce lieu quelques minutes auparavant avait été d’une violence inouïe.
Les yeux exorbités et fixés sur l’inconnu devant elle, Kayla se mit en position de combat. Même si elle ne semblait pas impressionnante avec cette magnifique robe de taffetas rose saumon, elle se battait remarquablement bien.
La jeune fille pressentait que cet homme ne la laisserait pas partir saine et sauve ce qui signifiait qu’il lui infligerait les mêmes atrocités. Pourtant, une question tournait inlassablement dans sa tête : pourquoi ?
Comme s’il avait senti sa présence, il lui adressa un regard par-dessus son épaule. S’il fut surpris de la voir, elle ne saurait le dire. Mais, il ne tarda pas à se retourner lentement vers elle. Son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsqu’elle identifia le monstre qui lui faisait face. Doflamingo !!! Nul n’ignorait l’existence de cet homme et tremblait à la seule mention de son nom. Il était craint de tous, même parmi les pirates.
« Tiens, tiens… Mais quel magnifique papillon avons-nous, là ? Fufufufu…
Le son de cette voix la glaça jusqu’au sang tandis que le flamant effectua alors un pas, puis un second vers la nouvelle venue. Kayla se raidit imperceptiblement à l’instant où son regard s’abaissait sur l’objet qu’il tenait à la main. Mais, ce fut avec horreur qu’elle découvrit une tête de femme qu’il agrippait encore par les cheveux. Sans doute devina-t-il son effroi puisqu’il se fendit d’un large sourire avant de la lui lancer. Elle la rattrapa par pur réflexe, mais la laissa presque aussitôt tomber.
Cette attitude provoqua l’hilarité de Doflamingo qui ne s’attendait pas du tout à cela. Non, il s’imaginait plutôt qu’elle s’évanouirait comme toutes les autres avant elle. Décidément, celle-ci se révélait d’une trempe bien différente.
— Sale monstre ! lâcha-t-elle, méprisante.
Le sourire du grand corsaire s’effaça comme par enchantement. Mais, Kayla ne s’en souciait point. Non, elle était bien trop furieuse pour prêter attention aux signaux d’avertissements que lui envoyait son propre corps.
Levant la main devant lui, tel un marionnettiste, il articula ses doigts. Des fils invisibles jaillirent de ces derniers et saisirent leur proie par les bras avant de la soulever de terre. Effarée, elle tira sur ses entraves, tentant de se libérer, en vain. Un sourire sardonique aux lèvres, il s’approcha pour s’arrêter juste face à elle.
— Je cherche la princesse Maya. Sais-tu où elle se trouve, et qui elle est ?
Maya ?! Ce type courait après sa meilleure amie ?! Pourquoi ?! Elle réfléchit à vive allure, s’efforçant à comprendre la situation et surtout pour quelles raisons cet homme le convoitait.
— Débrouille-toi tout seul ! grommela-t-elle en tirant de plus belle sur les fils.
Ces derniers lui faisaient penser à de longues lames tranchantes qui pénétraient toujours plus profondément dans sa chair à chaque fois qu’elle tirait dessus. Le sang se mit à couler de ses poignets, ruisselant le long de ses bras tandis que des gouttes tombaient sur le marbre.
Une veine de contrariété apparut sur son front, il pointa un doigt sur elle et décocha un tir. Une aiguille de fils jaillit de son index et alla se planter dans l’épaule de la jeune femme qui cria de douleur.
Doflamingo en avait plus qu’assez. Il était venu pour kidnapper cette fille, et voilà qu’il se retrouvait confronté à l’impensable. Il ne la trouvait pas et personne n’avait trahi sa confiance.
— Alors… Tu es ici ce soir, à la fête de fiançailles de cette princesse… Ce qui veut dire que tu la connais.
— Comme je connais beaucoup d’autres personnes, fit-elle sans se démonter.
Interloqué, Doflamingo arqua un sourcil surpris par autant de courage. Ou c’était peut-être de l’insouciance. D’ailleurs, c’était plutôt stupéfiant que cette jeune âme ne se soit pas enfuie, préférant se jeter dans la gueule du loup. Mais pourquoi ?! Tout individu sensé aurait pris la poudre d’escampette. Non, celle-ci était revenue ici, et au pas de course, ce qui signifiait une seule chose : il y avait quelqu’un dans cette pièce, une personne qui comptait beaucoup pour elle.
— C’est toi le malade à l’origine de ce carnage ? s’enquit-elle, les yeux flamboyants de colère, subitement, sans se démonter.
— Oui. Et tu seras la prochaine si tu ne réponds pas à mes questions.
La jeune femme déglutit tandis que les fils entaillaient profondément la chair de ses poignets, la faisant grimacer de douleur. Comme elle ne relevait pas, il enchaîna :
— Qui es-tu et que viens-tu faire ici ?
Elle gardait le silence, ce qui ne plut point au flamant qui perdant patience attira à lui, du fond de la pièce, un garde du palais. Ce dernier se mit à se débattre et à crier, suppliant son geôlier de l’épargner.
— On va jouer. Tu réponds, il vit. Tu te tais, il meurt.
Horrifiée, Kayla hésita sur l’attitude à adopter. Elle réfléchit à vive allure et opta pour la moins macabre. Opinant du chef, le capitaine-corsaire réitéra sa question.
— Qui es-tu et que viens-tu faire ici ?
— Je me prénomme Kayla et je suis ici pour les fiançailles de mon amie d’enfance.
Le sourire de Doflamingo s’élargit tandis qu’elle finissait sa phrase. Il touchait au but, car il avait la certitude que cette femme lui fournirait les réponses souhaitées.
— Laquelle de ces filles est la princesse ?
Les yeux émeraude passèrent sur le petit groupe qu’il lui désignait dans un coin sombre de la pièce. Ce fut avec une once de soulagement qu’elle constata que Maya ne se terrait pas parmi elles.
— Trouve-la toi-même ! grinça-t-elle avec défi.
Le sourire du flamant mourut sur ses lèvres si bien que dans un acte de colère, il découpa le soldat en minuscules bouts de chair. Les hurlements épouvantés des femmes retentissaient tandis que les yeux ronds de stupeur, Kayla sentit le sang l’éclabousser.
— Mais, t’es taré ! s’exclama-t-elle avec peur et mépris.
— Laquelle est la princesse ? répéta-t-il avec agacement.
Le regard de Kayla alla des filles à Doflamingo. Elle ne pouvait pas répondre, ne le devait pas… Elle le vit lever lentement la main lorsque tout à coup un cri s’éleva depuis l’escalier :
— C’est moi ! Cessez tout ceci sur-le-champ !
Dans un même ensemble, Kayla et Doflamingo avisèrent la jeune femme se tenant sur les marches. Un sourire carnassier se peignait sur le visage masculin tandis que Kayla blêmissait. Pourquoi ?! Mais pourquoi fallait-il que Maya apparaisse maintenant ?
D’un bond phénoménal, le pirate atterrit juste sous le nez de Maya qui de crainte recula d’un pas. Elle serait tombée si le flamant ne l’avait pas retenue en la saisissant rudement par le cou. Sa main droite suffisait à elle seule à en faire le tour, et il n’avait qu’à resserrer la pression de ses doigts pour lui briser les os.
Doflamingo scruta les traits féminins avec intérêt. Elle avait de longs cheveux dorés, et de grands yeux bleus. Sa bouche à la teinte rosâtre était entrouverte, laissant filtrer un léger souffle. Elle avait peur comme en témoignait la lueur au fond de son regard, ainsi que le rythme rapide de sa respiration ainsi que les battements effrénés de son cœur.
Cependant, au fond, la perspective de prendre cette fille ne l’enchantait guère. Elle avait tout de la femme soumise par excellence, et cela ne lui plaisait pas du tout. Non, il préférait les compagnes posées avec leurs idées et leur personnalité bien trempée. Et à la manière qu’elle avait de trembler, il pressentait que cela ne lui apporterait aucune satisfaction à la faire plier devant lui. Non… pas comme Kayla…
Un sourire sardonique aux lèvres, il coula un regard en biais vers la brune qui le foudroyait de ses grands yeux verts. Il se délectait déjà à la perspective de la dompter. Il s’amuserait assurément bien plus.
Sans lâcher la blonde, il la jeta négligemment sur son épaule avant de bouger lentement ses doigts. Kayla sentit de nouveau le sol sous ses pieds et se réjouissait à l’idée de pouvoir fuir à la première occasion. Hélas, la réalité la rattrapa bien vite lorsqu’elle constata avec horreur que son corps ne lui répondait pas.
Elle se souvint alors que Doflamingo Donquichotte avait mangé le “Ito Ito no mi” grâce auquel il pouvait contrôler l’enveloppe charnelle d’une personne. Et cette ordure l’utilisait sur elle ! Elle aurait aimé résister, mais elle ne parvint qu’à se blesser davantage. Résignée, elle se laissa mener par ce monstre se jurant de tout mettre en œuvre pour fuir à la première occasion. Et puis, elle refusait d’abandonner Maya derrière elle ! Si elle devait s’échapper, elles le feraient ensemble.
Il se dirigea sur la terrasse se situant à plusieurs mètres de hauteur avant de pousser Kayla dans le vide. Montant sur la rambarde de pierre, les yeux fixés sur la malheureuse, il se fendit d’un large sourire tandis qu’un cri de frayeur franchissait ses lèvres.
— Kayla !!!! hurla à son tour la blonde, effrayée.
— Ne t’inquiète pas, tu vas vite la rejoindre, fufufufu. »
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