Chapitre 9 : Après la tempête

Dans un sursaut soudain, la jeune femme se réveilla de sa léthargie. Une sueur froide coulait sur son front tandis qu’elle s’efforçait de rassembler ses pensées. Ses yeux s’ouvrirent lentement, ne reconnaissant pas l’endroit où elle se trouvait.
Confuse, elle tenta de bouger, mais gémit aussitôt sous la douleur cuisante qui lui traversa l’abdomen. Elle baissa instinctivement le regard vers sa blessure, un cri muet s’échappant de ses lèvres lorsqu’elle aperçut les agrafes. Un frisson de dégoût la parcourut tandis qu’elle se rendait compte du drame qui avait dû se jouer pendant son absence.
La porte de l’infirmerie grinça alors, la faisant sursauter. Elle s’efforça de se ressaisir, se maudissant pour sa nervosité. Dans l’obscurité, une silhouette familière apparut, éclairée par les faibles lueurs de la pièce.
Trafalgar Law entra dans la chambre d’un pas lourd, son visage émacié reflétant l’épuisement. Il esquissa un sourire en coin en croisant le regard anxieux de son invitée.
« Ne bouge pas, ordonna-t-il doucement, s’approchant du lit. Tes blessures sont graves, mais elles vont guérir avec le temps.
Il se pencha légèrement pour examiner les agrafes sur son abdomen avant de se redresser, ses yeux rencontrant les siens à nouveau.
— Tant que tu reposes, tu te rétabliras.
Sa voix sonnait presque gentiment, mais la brune ne pouvait s’empêcher de frissonner. L’homme qui se tenait devant elle, aussi compétent et calme qu’il puisse paraître, restait dans son esprit indélébilement lié à la violence et à la peur qu’elle avait découvertes dans certains rapports. Mais, elle refusait de se laisser intimider malgré tout !
— Ne me donne pas de leçons, Trafalgar ! répliqua-t-elle, contournant ses douleurs pour se braquer contre son lit.
Le génie chirurgical observa sa réaction, un sarcasme non dissimulé creusant des fossés noirs autour de ses yeux.
— Je m’assure simplement que tu ne t’effrites pas sous mon regard, rétorqua-t-il.
Elle garda le silence, trop consciente que ses options étaient limitées. Cependant, elle ne céda pas à l’intimidation, le dévisageant sans peur.
C’est alors que la porte de l’infirmerie s’ouvrit une nouvelle fois, et une autre silhouette apparut. Owen se tenait là, une mine soucieuse sillonnant son front lisse. Son approche méthodique contrastait avec l’air provocateur de Law et créait une atmosphère aussitôt apaisante.
— Ils ont ramené Arkan », annonça-t-il, s’écartant pour dévoiler un individu aux cheveux argentés affalé entre ses épaules.
Il y avait une rafale de panique à travers le corps de la jeune femme, mais elle se retint courageusement. Son regard féroce se fixa sur la silhouette ensanglantée qui gisait à demi conscient sur la table glacée. Son cœur se serra alors que la réalité de leur situation se précisait de manière inquiétante devant ses propres yeux.
L’homme était effondré sur lui-même, engourdi de douleur. Même dans cet état, ses prunelles rencontrèrent les siennes avec une détermination intacte. C’était la marque indéniable de l’esprit pirate, d’une volonté incommensurable malgré les circonstances les plus désespérées.
Owen adressa un regard à la brune, indiquant calmement que tout irait bien. Puis, il s’approcha d’Arkan et commença à inspecter ses blessures. L’heure n’était plus aux sentiments, l’action s’imposait. Avec détermination, le blond entreprit les premiers soins. Le silence s’installa de nouveau dans l’infirmerie, seul le souffle rauque d’Arkan brisait la quiétude du moment. On pourrait presque croire que la dangerosité de leur situation s’était estompée pour un instant.

Quelques heures plus tard, le sous-marin avait émergé et voguait calmement vers une destination inconnue. L'équipage profitait de cette accalmie pour se détendre sur le pont. Le soleil brillait haut dans le ciel, tandis qu'une légère brise soufflait, gonflant la voile du submersible.
Une étrange tranquillité avait pris le dessus. Les hearts, rassemblés sur le pont, fixaient l'horizon en silence, savourant la douce caresse de l'air frais sur leurs visages épuisés et la chaleur réconfortante du soleil sur leur peau humide. Les soulagements s'étaient confondus avec un épuisement si profond qu'ils s'étaient presque écroulés sur place, manquant de force et d'énergie pour manifester le soulagement que leur survie miraculeuse suscitait.
Les uns après les autres, les Hearts partagèrent leurs impressions, mêlant joie, soulagement, mais aussi confusion et incrédulité. Certains riaient, un rire libérateur, presque hystérique, devant l'absurdité de la situation à laquelle ils venaient d'échapper. D'autres pleuraient, déversant un torrent d'émotions réprimées, la peur et l'anxiété se transformant en larmes de soulagement.
Louis, s'adossant plus confortablement contre la rambarde, fixait d'un air songeur le scintillement du soleil sur l'eau. Ses yeux allaient de l'un à l'autre de ses camarades, qui, pour la plupart, étaient étonnamment calmes, compte tenu des circonstances.
Il regarda Bawi, qui avait réussi à trouver assez d'énergie pour sourire et plaisanter avec certains membres de l'équipe. Le vieux pirate nota également l’absence de leur capitaine.
“Il n'y a guère plus grand sentiment de satisfaction”, pensa Louis, que celui de faire face à la mort et de vivre pour en parler.
Au-delà de la fatigue et de l'épuisement, ce qui dominait, c'était un sentiment d'accomplissement - un sentiment d'avoir réussi à braver les éléments, d'avoir survécu à la terreur indicible de la mort imminente.
Il y avait eu des moments de désespoir, de peur intense, une forte sensation d'impuissance et une tension incommensurable. Mais malgré tous ces obstacles, ils avaient résisté, refusé de céder à la panique, refusé de laisser la situation prendre le dessus. Ils étaient restés ensemble, s'étaient soutenus mutuellement dans les moments de peur, et avaient tous joué leur rôle dans la réalisation du miracle.
Malgré la proximité de la mort, la peur et le désespoir, ils en étaient ressortis vivants, plus forts et plus unis. Alors que le Polar Tang flottait doucement sur l'océan, une chose était certaine : même dans l'adversité la plus forte, les Hearts demeuraient indomptables.

En parcourant les longs corridors du sous-marin, Trafalgar prit la direction du pont où son équipage avait veillé toute la journée. Il fut accueilli par des regards inquiets et fatigués, mais déterminés. C'était une équipe qu'il avait lui-même formée, des hommes auxquels il faisait confiance et qui lui faisaient confiance en retour. Il y avait une connexion mutuelle, une dévotion, une loyauté qui l'avait toujours soutenu et encouragé.
Il rassembla son équipage, partageant avec eux les événements récents et les mesures prises pour sécuriser le sous-marin. Il y avait des murmures approbateurs, des appréciations chuchotées, mais l'atmosphère était lourde. Ils étaient tous conscients de la grande évasion qu'ils avaient faite, et tous semblaient déterminés à ce qu'une telle situation ne se reproduise pas.
Tout en laissant son équipage se disperser, Law s'isola, se préparant à inspecter le sous-marin. Heureusement, malgré les dégâts causés par l'attaque du calmar géant, le sous-marin était tout de même en état de fonctionner. Il ne put cependant pas s'empêcher de se demander comment l'électricité avait été restaurée à sa juste place sans aucune aide extérieure. Une entité invisible et étrange, avait mentionné l'un de ses équipiers. Une idée absurde, peut-être, mais qui valait la peine d'être explorée.
Quant à la femme restée à l'infirmerie, il savait qu'il devrait garder un œil sur elle. Pour le moment, cependant, Law se contenta de se concentrer sur le bien-être de son équipage et de son navire. Il ne pouvait se permettre de baisser sa garde. Pas maintenant, pas tant que le mystère de l'entité invisible et de l’électricité restait non résolu.

L’éclairage déferlant de midi marquait un contraste saisissant avec la pénombre de l'infirmerie où la brunette était toujours confinée. Les murs de la pièce, d'un blanc stérile, ripostaient aux rayons pénétrants du soleil par l'intermédiaire de la petite fenêtre. Malgré la situation oppressante, l'endroit dégageait une ambiance étrangement apaisante, comme une bulle éloignée du reste du monde.
Allongée sur le lit médical, la femme contemplait le ciel bleu azur, effleurant du regard les formes nuageuses et douces, qui se déplaçaient lentement, portant la trace de leur voyage à travers l'immensité du ciel au-dessus du vaste océan. La réalité qui l’entourait semblait encore irréelle, mêlée à un soupir de rêve. Avec les agrafes sur son ventre rappelant sans cesse sa blessure et sa position alitée retenant toute forme d'action, la frustration montait silencieusement en elle.
Soudain, son attention fut attirée par le claquement de la porte s'ouvrant brusquement. Un jeune homme entra dans la pièce, ses cheveux d'or brillaient d'une lueur presque surnaturelle sous la lumière du soleil. Elle reconnut Owen. Il portait dans son regard une sollicitude et une sévérité qui la surprirent.
Il approcha de son lit avec une détermination tranquille, un sourire assis confortablement sur son visage. Il lui demanda comment elle se sentait, avec une tendresse qui contrastait fortement avec la sévérité de Law. Elle n'avait rien dit ; mais quelque chose dans ses yeux avait dû lui fournir un semblant de réponse parce qu'il hocha la tête silencieusement en lui donnant un autre sourire avant de partir.
Son départ accéléra le mouvement insaisissable des aiguilles de l'horloge murale, le tic-tac rythmique rassurant abattant la couche silencieuse de solitude qui l'enveloppait. Elle sembla un moment oublier son identité.

Les lumières du Polar Tang étaient tamisées, savamment atténuées pour ne pas perturber le repos des hommes et de l’ours qui constituaient l’équipage des Hearts. A cette heure tardive, la plupart dormaient à poings fermés dans leurs cabines, récupérant de la dure journée qui venait de s’achever. Les seuls encore debout étaient les deux gardes de nuit, fidèles sentinelles qui veillaient attentivement sur la vie à bord.
D’un pas traînant, Louis traversa le dédale de couloirs. En cet instant, ses pas le conduisaient vers le bureau de Law. Ce lieu était généralement peu fréquenté par l'équipage, renfermant les secrets et les plans de leur capitaine.
Une oasis de lumière filtrait depuis la pièce, témoignant de l'activité nocturne de l’homme au bonnet de fourrure.
La porte de métal s'ouvrit en un grincement discordant, une marque singulière réservée en exclusivité à la porte du bureau de Trafalgar. Les murs étaient revêtus d'une couche de peinture sombre, ce qui contrastait avec le reste du navire.
Assis à son bureau, Trafalgar Law passait en revue les rapports de dégâts affectant leur sous-marin et les réserves disponibles. Ses yeux cendrés, fatigués mais alertes, se déplaçaient rapidement d’un document à l’autre, retraçant les dommages causés par l’attaque du calmar géant. La situation n'était pas réjouissante. La coque endommagée, un moteur en panne et une grande partie de la nourriture gâchée – ils étaient dans une situation délicate.
Le mécanicien coula un regard à l’intérieur. Il espérait ne pas le déranger dans son travail. Il devinait que la situation actuelle ne lui offrait que peu de répit.
Le bureau du capitaine était un espace étrangement ordonné, structuré selon une logique qui trahissait immédiatement la personnalité de son propriétaire. Un long bureau en chêne massif, aussi bien ordonné que minutieusement entretenu, s'étalait de part et d'autre de la pièce. Il était maculé d'une multitude de papiers, de dossiers et de cartes maritimes étalés dans un ordonnancement parfait, formant une sorte de système de codage, un labyrinthe inexplorable pour quiconque autre que Law.
Au milieu de ces papiers, un escargophone, une lampe de bureau et une paire de lunettes faisaient face à une chaise rembourrée de cuir noir. De l'autre côté du bureau, les murs étaient garnis d'étagères remplies de compas, globes terrestres et énormes atlas.
Sans bruit, Louis approcha de la grande chaise en cuir face au bureau et vit que Law était assis là, silencieux et immobile. Il paraissait épuisé, des cernes de fatigue sous ses yeux ajoutaient une teinte grisâtre à son teint basané. Des feuilles de carnets éparses jonchaient le bureau, recouvertes d'un gribouillage presque illisible. Il y avait quelque chose d'étrangement pathétique à voir leur capitaine ainsi, seul avec ses pensées et ses plans, épluchant les détails de l'incident et tirant des conclusions stratégiques.
Le ténébreux marmonnait pour lui-même, le regard fixé sur les innombrables notes et chiffres, cherchant une explication à l’incident qui leur avait presque coûté la vie. Malgré l'horreur des événements récents et le stress visible de leur capitaine, Louis ne put s'empêcher de sourire. Ce spectacle, le grand et redouté Chirurgien de la Mort, assis dans l’obscurité, sa silhouette affaiblie par la fatigue mais néanmoins déterminée, lui rappela pourquoi il avait choisi de suivre Law. Quelle que soit la situation, il ne renonçait jamais. Il refusait de permettre au destin de dicter leur sort et ne cessait de lutter contre les courants tumultueux de la vie.
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