Chapitre 4 : Chaos dans les profondeurs

C’était quoi ce souk ? Pourquoi en l’espace de quelques instants son paisible sous-marin s’agitait-il telle une bille de flipper ? Une question qu’il se jurait d’éclaircir dès qu’il se sortirait de ce mauvais pas.

 

D’ordinaire calme et sûre, l’infirmerie montrait ses effroyables crocs. Elle paraissait vouloir les tuer en usant pour cela de ce qu’elle avait de mieux. Le mobilier non fixé au mur se changea en armes mortelles. Le contenu de certains meubles se transforma en projectiles potentiellement dangereux.

 

Pris au milieu de ce grand-guignolesque chaos, Law ne gardait pourtant qu’une seule chose à l’esprit : sa patiente. En un battement de cils, la brune avait disparu de son champ de vision. Et au vu de la situation problématique, elle était en danger. Le temps pressait. Il devait la retrouver au plus vite et les sortir de là tous deux.

 

Il joua de son pouvoir afin d’esquiver certains obstacles et s’éviter une blessure aussi impromptue que dérangeante alors que ses prunelles cendrées balayaient le capharnaüm autour de lui. Le plus pénible dans cette situation résidait sans nul doute dans les courtes accalmies entre chaque secousse. Détail important qui indiqua au chirurgien de la mort que le Polar Tang luttait contre autre chose qu’un tourbillon. Délaissant de côté cette pensée, face contre terre, il se redressa sur ses bras. De nouveau, il parcourut la pièce d’un regard circulaire, fouilla les débris en quête de l’inconnue. Avec difficulté, il se releva lorsqu’une fois de plus, tout partit en tous sens. Il pesta contre sa mauvaise fortune, grogna un : « Merde ! » avant de sentir ses pieds quitter le sol — à moins que ce ne soit le plafond, il ne savait plus. —

 

Se téléportant à tout va, il évita armoires, tabourets et scalpels tout en s’efforçant de localiser la jeune femme. "Où était-elle, bordel ?! Elle ne s’était tout de même pas volatilisée ?!" s’insurgeait Trafalgar. Ses billes argentées scrutaient une énième fois son environnement lorsqu’il vit sa chaise de bureau fondre dans sa direction. Sans attendre, il tendit une main devant lui, les doigts écartés et certains repliés. Toutefois, contrairement aux nombreuses autres circonstances auparavant, il demeura au même endroit. Là ! Enfin, il la trouvait ! Inconsciente au milieu des fournitures et des débris, elle allait se retrouver écrasée entre la paroi et l’une des multiples armoires. Sans tergiverser une seconde de plus, il usa de son pouvoir et appela la brune dans ses bras d’un shambles alors que d’une balayette, il repoussait son fauteuil. Hélas, il ne put toutefois pas éviter une nouvelle secousse qui envoya son dos embrasser de manière passionnée l’une des cloisons. Une sourde plainte glissa tout bonnement hors de ses lèvres. Ce fut si brutal que sa vision se troubla ; sa respiration se bloqua dans ses poumons. Or, impossible de réfléchir ou d’analyser la situation puisque déjà une force invisible le projetait dans le sens opposé.

 

Conscient du danger, il refusait de lâcher la jeune femme. Il resserra son étreinte autour de son corps inanimé. Le seul moyen à sa disposition pour s’épargner une blessure importante ou la mort résidait dans sa capacité. À force de Shambles, il esquiva la plupart des chocs. Mais cela avait un coût considérable : son énergie. Néanmoins, le luxe de s’économiser, il ne le possédait plus.

 

Bataillant contre une force invisible et inconnue, Law protégea sa patiente. Puis tout aussi soudainement que tout avait commencé, le calme revint. Allongé sur le dos, sa mystérieuse « invitée » pressée contre lui, il analysa la situation. Ses prunelles cendrées se promenèrent sur son environnement et mesurèrent les dégâts colossaux. Tout un tas d’interrogations se bousculait dans sa tête. Il ne s’expliquait point une telle situation et il lui tardait de questionner ses hommes. Le corps chaud contre lui, ainsi que le liquide trempant son haut le rappelèrent à l’ordre. Le temps des doléances viendrait, mais pour l’instant, l’urgence résidait dans la nécessité de quitter cet endroit.

 

Sans plus de tergiversations, il repoussa l’amas de chair inerte sur le côté lorsque tout à coup la porte s’ouvrit à toute volée. Interloqué et inquiet, il porta ses pupilles cendrées vers l’entrée. Bepo ?! La raison de sa présence à un moment pareil impliquait une situation inextricable.

 

"Cap…, commença l’ours tout en avisant le chaos devant lui.

 

Choqué par la conjoncture, le Mink s’introduisit dans l’infirmerie tout en regardant autour de lui. Ce ne fut que lorsqu’il croisa les prunelles argentées qu’il enchaîna tout en s’engouffrant dans la salle de soins.

 

— Capitaine, c’est urgent. On vous demande au poste des commandes.

 

— Non ! gronda Law.

 

Mais trop tard. La salsa des condamnés entama son second ballet, emportant avec lui sa troisième victime. Bepo se protégea tant bien que mal, repoussa tout ce qu’il put et encaissa de nombreux chocs. Trafalgar usa de nouveau de son pouvoir. Une sortie. Une échappatoire. Voilà tout ce à quoi son cerveau œuvrait. Là ! Du coin de l’œil, il repéra le coin le plus sûr et s’empressa de transférer Bepo et l’inconsciente avec lui. Cependant, même le couloir semblait subir le même traitement. Mais, au moins, ils n'avaient pas de projectiles à éviter. Ce ne fut qu'une fois le calme revenu que Trafalgar rompit le silence.

 

— Ferme la porte, vite ! ordonna le ténébreux essoufflé et épuisé.

 

De grosses gouttes de sueur perlaient à son front et sur ses tempes. Au moins, dans le couloir, les projectiles demeuraient inexistants. Ils patientèrent quelques instants avant de se remettre sur pieds.

 

— Ils ont besoin de vous en haut, réitéra l’ours.

 

— Comme tu vois, elle nécessite…

 

Alors même qu’il énonçait ces quelques mots, il avisa de son assistant. Owen approchait d’un pas rapide. Un filet d’hémoglobine coulait de son front, glissait sur sa joue et tachait de rouge sa chemise. Visiblement, tout le monde avait eu beaucoup de difficultés à ne pas périr.

 

— Occupe-toi d’elle, commanda le chirurgien de la mort. Elle a perdu énormément de sang. Transfuse-la avec une poche F et referme-la.

 

Tout en parlant, Law avait placé d’autorité la victime dans les bras d’Owen. Ce dernier esquissa un mouvement vers l’infirmerie, mais son supérieur le stoppa.

 

— La salle d’opé serait plus appropriée vu la situation.

 

L’assistant opina du chef et regarda son capitaine s’éloigner d’une démarche vive aux côtés de son second. Toutefois, après quelques pas, le ténébreux s’immobilisa et lui adressa un coup d’œil par-dessus son épaule avant d’ajouter :

 

— Fais en sorte qu’elle vive. Si elle trépasse, elle ne sera pas la seule à nourrir les poissons."

 

La menace était claire et Owen connaissait assez son supérieur pour savoir qu’il ne plaisantait pas. Il déglutit péniblement et opina d’un mouvement de tête avant d’abaisser les yeux sur son fardeau. Elle était d’une pâleur extrême, cadavérique.

À plusieurs milliers de kilomètres de là, Kizaru faisait son rapport à l’amiral en chef : Sengoku. Il lui narra les récents événements à Shabaody, allant jusqu’à divulguer que la dernière recrue des Mugiwaras était de la partie.

 

À cette révélation, Sengoku se figea, mais préféra garder le silence. Il connaissait assez bien la jeune fille pour deviner ses motivations. Ce n’était pas comme s’il n’avait rien à se reprocher. Après tout, il lui avait dissimulé un grand nombre de choses, alors quoi de plus normal que de la voir se détourner de la marine, de lui, au profit d’un équipage pirate. Mais pourquoi parmi tous ceux existants fallait-il qu’elle jette son dévolu sur celui des chapeaux de paille ?! À moins que tout ceci soit en réalité, un acte calculé à l’avance… ? Il en était là de ses pensées lorsque Kizaru, croisant négligemment les jambes, ajouta sur le même ton désinvolte :

 

"Mais, à ma grande surprise, elle était avec les Hearts Pirates.

 

— Quoi ?! s’étrangla Sengoku en se retournant d’un bloc.

 

C’était la pire des choses qui pouvaient se produire ! Comment avait-elle pu se retrouver avec eux alors qu’elle voyageait jusqu’à présent avec le petit-fils de Garp ?!

 

— Ah, le cœur des femmes est fort changeant…

 

Ce n’était qu’un commentaire, visant à souligner l’attitude de l’adolescente. Néanmoins, il ne pouvait pas accepter cela et se devait de tout mettre en œuvre pour la ramener au QG de la marine. Il le fallait, il en allait de son avenir. De plus, il redoutait la réaction de Trafalgar Law lorsqu’il découvrirait l’identité de cette gamine insupportable.

 

Oui, car un jour ou l’autre, c’était un fait inéluctable, il apprendrait la vérité et à cet instant, sa colère serait monumentale. Et alors que ferait-il d’elle ? Qu’adviendrait-il de cette peste ingérable ? Au moins, avec Luffy, il n’avait pas à se préoccuper de ce détail. Non, puisqu’il savait que les chapeaux de paille se contenteraient, eux, de l’abandonner sur la première île.

 

Ce fut sans doute pour cela qu’il se tourna vers Kizaru et lui ordonna de retrouver la jeune fille et de la lui ramener. Kizaru prit un air blasé, se leva et rejoignit la sortie à pas lents. Toutefois, alors qu’il posait la main sur la poignée, Sengoku ajouta :

 

— N’oublie pas de revenir à temps pour l’exécution de Poings Ardents.

 

— Je ne manquerai ça pour rien au monde…"

 

Puis, il quitta la pièce laissant Sengoku à l’inquiétude qui seyait à un homme de son rang avec les responsabilités qui lui incombaient.

La situation s’avérait bien plus complexe qu’il ne le pensait, réalisa Trafalgar à son arrivée au poste de commande. La menace demeurait présente et il devait trouver un moyen pour s’en éloigner au plus vite. Mais comment faire lorsque le danger était un calmar géant dont les tentacules enserraient le Polar Tang à le broyer ? Une solution. Vite !

 

Sans une once d’hésitation, il exigea qu’on allume les projecteurs afin de voir leur environnement et si quelque chose pouvait aider à leur fuite.

 

"Tim, demande à charger les torpilles A et B.

 

— Oui, capitaine.

 

Aussitôt dit, aussitôt fait. Sauf que cela en inquiéta plus d’un. Jean Bart, notamment, s’alarma des conséquences d’une telle chose. S’ils tiraient sur le poulpe, ils risquaient de périr entraînés vers les profondeurs. Le danger était trop grand. Il tenta, bien entendu, de faire entendre sa voix. Malheureusement, en tant que petit nouveau, le bleu ne fut point écouté. Law balaya ses récriminations d’un geste vague de la main avant de s’adresser en personne aux Hearts responsables des torpilles.

 

En quelques mots, il exposa son plan et leur laissa le temps de la viser ce qui s’avérait difficile. Le monstre s’agitait continuellement, tant et si bien que les remous autour du vaisseau risquaient fort de dévier la trajectoire des projectiles. Hélas, les alternatives n’existaient pas en ce cas de figure et s’ils n’agissaient pas, la mort les accueillerait à bras ouverts.

 

Tout le monde était tendu. Les cœurs battaient à l’unisson sur les vagues de l’incertitude et de la peur. Suspendus au système de communication interne, les Hearts guettèrent non sans crainte la voix de leur capitaine ordonnant de faire feu.

 

Autant dire que dès que l’invective retentit aux oreilles de chacun, le bouton fut actionné et la torpille quitta sa chambre pour s’élancer vers sa proie. L’une atteignit le poulpe qui s’agita de douleur sous l’impact ce qui occasionna des remous conséquents. Ces derniers dévièrent le second projectile de sa cible. Elle s’écrasa sur la falaise derrière l’animal.

 

Des pierres se détachèrent dans l’explosion et tombèrent sur la pieuvre l’entraînant vers les profondeurs. Malheureusement, le mollusque céphalopode refusa de libérer le sous-marin et l’emporta avec elle. Pestant contre leur mauvaise fortune, Law ordonna de pousser le système de propulsion à son paroxysme. Néanmoins, ce fut sans compter sans l’intervention du mécanicien en chef.

 

— Nous ne pouvons pas, Capitaine. La coque est endommagée. L’eau s’infiltre à divers endroits et il faut condamner les secteurs deux et quatre. Si on utilise l’autopropulsion, cela pourrait dans le meilleur des cas, accroître les failles dans la carlingue, et dans le pire, exploser. Ce qui est sûr, c’est que nous ne pouvons pas continuer à descendre dans les abîmes. L’état du Polar Tang ne le permet pas."

 

Que faire ? Comment faire pour se tirer de ce mauvais pas avant qu’il ne soit trop tard ? Ces interrogations silencieuses et pourtant d’une urgence vitale tournoyaient en boucle dans la tête du chirurgien de la mort.


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