Chapitre 3 : Débuts houleux

Face à l'angoisse s'affichant sur son visage, Owen soupira et lui confia qu'une bonne journée s'était écoulée depuis son arrivée à bord. En tout et pour tout, elle avait dormi un peu plus de vingt-quatre heures. Ce qui d'un point de vue médical et après une lourde opération était quelque peu normal. Sans compter que Trafalgar avait usé d'une anesthésie générale qui l'avait considérablement achevée.
Cependant, face à ces révélations, la patiente bondit sur ses pieds. Elle ne pouvait pas demeurer ici une seconde de plus. Elle devait repartir, regagner Shabaody au plus vite ! Ses amis l'attendaient !
Sans se soucier des invectives courroucées de l'homme derrière elle, la jeune femme marcha d'un pas vif vers la sortie. Toutefois, alors qu'elle arrivait à quelques mètres de la porte, cette dernière tourna lentement sur ses gonds. Les yeux ronds, la brune regarda le battant livrer passage au chirurgien de la mort.
Son organe vital manqua un battement tandis que son souffle se bloquait dans ses poumons. Il ne s'agissait point de fascination. Non, les sentiments qui habitaient à cet instant l'âme et le cœur de la ravissante inconnue s'approchaient davantage de la crainte et de la colère mêlée. Oh ! elle doutait sans mal que ce triste personnage ne perdrait guère son temps dans un vulgaire kidnapping. Sans compter qu'il ne gagnerait rien à la retenir dans son sous-marin contre son gré. A moins qu'il n'ait eu vent de sa « situation particulière » et ait décidé d'en jouer. Tout était possible puisque le chirurgien de la mort n'était rien de plus qu'un cruel pirate.
Les prunelles cendrées se fixèrent aussitôt sur le visage de la brune. Impassible, il la scruta quelques instants avant de porter son attention sur son subordonné à quelques mètres plus loin. En quelques secondes, la situation s'imposa d'elle-même.
Tel son seigneur dans son château, Trafalgar s'avança dans l'infirmerie. Sa seule prestance, grave et écrasante, la força à reculer inconsciemment. Peur ? Méfiance ? Peut-être même les deux. En tout cas, son corps bougea de lui-même comme s'il répondait à une fonction toute naturelle : l'instinct de survie. Pourtant, elle doutait que ce pirate lui fasse du mal, sinon pourquoi l'avoir soignée ?
Sans un mot, il referma la porte derrière lui et la contourna. D'une démarche nonchalante, il alla à la rencontre d'Owen. Ce dernier lui tendait déjà les conclusions de son examen médical. Du coin de l'œil, partagée entre l'envie de fuir cette pièce et la présence de ce hors-la-loi, elle hésitait. Devait-elle se ruer dans le couloir et rejoindre la sortie ? Oui, mais après ? Et parviendrait-elle seulement à l'air libre ? Elle en doutait fortement. Réaliste, elle exhala un long soupir et pivota vers les deux hommes qui conversaient sans se soucier d'elle.
Combien de temps patienta-t-elle, que Trafalgar ne daigne lui accorder un regard ? Elle ne saurait point le dire avec exactitude. Les prunelles cendrées se dardèrent sur sa personne, l'enveloppèrent d'une bien étrange manière pour rapidement se détourner. Néanmoins, il n'y avait là aucun mépris ou lubricité.
Lentement, Law pivota sur lui-même et contourna l'unique bureau de la pièce derrière lequel il s'installa. Il déposa le dossier sur le meuble et l'ouvrit à la première page. Owen s'empressa de résumer le contenu du document. Law l'écouta attentivement tout en parcourant ses notes. Certaines cases demeuraient vides, mais il ne tarderait plus à les remplir, comme celle de son identité. Oui, qui était donc cette femme capable de combattre un amiral de la marine et affublée du qualificatif de « traîtresse » par ce dernier ? Il tapotait le meuble de ses dactyles tatoués, songeur.
Owen se tut après un long monologue. Le ténébreux stoppa son petit jeu de pianiste pour se focaliser sur la suite. Ce geste —ou plutôt sa cessation— fut l'ordre muet pour Owen qui après un léger signe de tête s'éclipsa. Immobile, incapable de bouger, « l'invitée » dévisageait le bonnet du pirate. Mais quelle idée de s'affubler d'un tel couvre-chef à l'intérieur d'un navire ? pensa-t-elle en son for intérieur. Toutefois, elle se morigéna aussitôt. Cela ne la concernait en rien. Ce type faisait ce qu'il voulait, elle n'avait pas son mot à dire ! Non ! la seule chose qu'elle devait faire, et cela urgemment résidait dans son retour à Shabaody. Déterminée à le convaincre, elle s'approcha d'un pas, puis d'un second. Il ne lui prêtait plus aucune attention et se focalisait uniquement sur le rapport sous ses yeux. Mais qu'est-ce qui le captivait autant ? Son subordonné ne venait-il pas de lui faire un compte rendu ?
"Owen est toujours aussi gentleman à ce que je vois.
- Il en faut au moins un.
Merde ! Pourquoi fallait-il qu'elle ne sache pas tenir sa langue ? Comme elle regrettait ces malheureuses paroles ! Mais, jamais elle ne l'admettrait. Du moins pas devant lui ! En tout cas, ce n'était pas avec cette attitude qu'elle parviendrait à le convaincre de la ramener sur l'île aux bulles.
Il haussa un sourcil avant de répliquer sur le même ton :
- Je suis un pirate, pas un gentilhomme.
- L'excuse classique du type incapable de l'être un minimum."
Merde ! Merde ! et remerde !! Mais bon sang ! qu'avait-elle dans la tête ? Est-ce qu'à force de côtoyer les chapeaux de paille son bon sens avait fondu comme neige au soleil ?! En tout cas, au regard orageux qui se portait en ce moment sur sa personne, elle comprit que la répartie n'était pas du goût de Trafalgar.
Law l'étudia avec attention. Il ignorait tout d'elle jusqu'à son nom. Dans un premier temps, l'idée de se montrer aimable l'avait traversé. Toutefois face à l'attitude défiante de la jeune femme, l'envie s'estompait.
Un détail se révélait néanmoins évident. Elle ne savait rien de lui et de sa manière de traiter les récalcitrants. Car le ténébreux se persuadait d'une chose. En effet, si cette femme se doutait un tant soit peu de ses méthodes peu orthodoxes, elle réfléchirait à deux reprises avant de répliquer. Enfin, d'un autre côté, la perspective de la malmener quelque peu le réjouissait intérieurement. Cela faisait bien longtemps que ce « passe-temps » n'était plus à l'ordre du jour.
Or pour l'heure, d'autres choses le préoccupaient. Il abaissa calmement les yeux sur le dossier, répéta les informations griffonnées de la main d'Owen. Tête baissée, Law ne prêtait plus attention à la jeune femme qui, agacée par son attitude, le singeait les mains sur les hanches. Pourtant, lorsque tout à coup, le pirate redressa la tête, elle se figea. Prise en flagrant délit, elle déglutit péniblement. Cette fois, c'était sûr, elle allait crever.
Law plissa les yeux. Ses pupilles argentées se portèrent sur le faciès féminin. Elle se foutait réellement de lui. Depuis plusieurs minutes, il s'efforçait de faire fi de sa défiance et juguler les envies de meurtre le titillant. Sauf qu'elle allait trop loin, elle dépassait les bornes !
Calme. Silencieux. Trafalgar la fixait. Après ce qui parut être une interminable minute, la chaise glissa sur le sol. Le crissement strident hérissa les poils de la jeune femme. D'un pas lent, Law contourna sa table de travail pour avancer dans sa direction. Le cœur battant, l'inquiétude assaillit sa patiente. Quelque chose d'inhabituel naquit du tréfonds de ses entrailles ; tant et si bien qu'inconsciemment elle battit en retraite. Et cela dès lors que, le du chirurgien de la mort se plaisait à amoindrir la distance entre eux.
Elle recula encore et encore sans le lâcher du regard. Ce ne fut que lorsque son dos heurta la paroi froide qu'elle s'aperçut qu'elle était fichue. Fichue ? Non ! Elle ne se laisserait pas faire par cet homme ! Elle savait se défendre et l'avait prouvé en s'opposant à Kizaru !
Trafalgar s'immobilisa à quelques mètres uniquement de sa proie, pencha la tête sur le côté et esquissa l'un de ses légendaires sourires. CE fut à cet instant que la patiente opta pour l'attaque-surprise. Elle serra sa main en un poing qu'elle leva. Hélas, la crainte que cet individu lui inspirait joua contre elle ; si bien qu'à peine brandit-elle son bras qu'elle gémit de douleur. Sa blessure à l'abdomen se rappela à elle de la pire des manières. Instinctivement, elle porta ses doigts à son pansement.
"Il vaudrait mieux que tu restes tranquille. À moins que tu ne veuilles que je te recouse sans anesthésie, cette fois.
Pâle, la brune battit des paupières. Nul doute que ce salopard le ferait et avec un plaisir malsain de surcroît. Doucement, elle opina du chef. De toute manière pourquoi se braquait-elle ? Hormis le fait de l'avoir embarquée à son bord, Trafalgar Law ne lui avait rien fait, bien au contraire.
- Je te remercie de m'avoir soignée.
Ce changement de ton et d'attitude déconcerta le chirurgien dont le sourcil s'arqua de surprise. Cependant, cela ne dura point. Son visage impassible réapparut la seconde suivante tandis qu'il répliquait d'une voix froide et détachée :
- Nous sommes quittes."
Elle applaudirait si les prunelles acier ne la clouaient pas sur place. Il admettait de manière indirecte qu'elle lui avait sauvé la mise. Enfin, ce n'était pas comme si elle escomptait le publier quelque part. Elle s'en moquait littéralement.
Face au silence menaçant de s'éterniser, Law considéra la jeune fille en face de lui. Pour la première fois, depuis son réveil, il pouvait l'étudier minutieusement. Elle ne devait point avoir plus de dix-huit ans. Détail qu'il confirmerait plus tard, pensa-t-il en lui-même. Son corps élancé et svelte possédait des courbes harmonieuses et envoûtantes qu'un grand nombre d'adolescentes de son âge jalousaient assurément. Mais, ce n'étaient guère les formes généreuses qui retenaient toute l'attention du chirurgien, mais plutôt le joli minois qui était le sien. La peau mate de son visage témoignait d'une exposition régulière au soleil. De longs cheveux noirs cascadaient le long de ses épaules jusqu'à ses reins, encadrant un faciès à l'ovale parfait illuminé par deux yeux étrécis et en amandes, dont la couleur n'était pas sans évoquer celle des émeraudes. En cet instant, ils brillaient de défi et de méfiance mêlés comme pour lui rappeler qu'il n'était pas son capitaine et encore moins un ami. Son regard s'arrêta un court instant sur ses lèvres fines, quelque peu entrouvertes, par lesquelles un léger souffle s'échappait.
Law soupira. Ouvrir les hostilités avec elle ne le mènerait à rien surtout qu'elle avait raison. Il s'approcha de quelques pas, saisit le bas de la blouse et le souleva. La réaction de la brune ne se fit pas attendre, et elle leva la main lorsque tout à coup, un choc brutal ébranla le submersible. Sous la violence de cette dernière, les deux jeunes gens perdirent l'équilibre avant de tomber.
L'invitée du Polar Tang bascula vers l'avant. Ses doigts s'apprêtaient à se refermer sur le pull de Trafalgar lorsqu'une autre secousse agita le sous-marin. Law tendit le bras, tenta de rattraper sa patiente, en vain. Il la vit s'envoler vers le haut, suivant la même trajectoire que lui.
Mais que se passait-il ? Pourquoi son précieux navire paraissait-il jouer au flipper dans l'océan ? Or, il n'eut point le loisir de s'interroger davantage puisque son corps heurta le plafond avant de retomber mollement.
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