Chapitre 11 : L'épée brisée

Il hocha légèrement la tête.
"Exactement. Tu n'as pas le choix de toute façon."
Law se leva, prêt à partir.
Cependant, aussi contrariée qu'elle était par sa raison, Liberty sut qu'il disait la vérité. Sa respiration devenait irrégulière, elle sentait la douleur de ses blessures se raviver. Pourtant, elle ne voulait pas admettre qu'il avait raison.
Law se préparait à la laisser seule pour la nuit quand il pensa à quelque chose d'important. Sa voix, quand il parla, était basse et pleine de gravité.
– Je dois te dire aussi Liberty-ya, dit-il sans la regarder directement, que depuis l'évènement de la salle des ventes, les Chapeaux de paille ont disparu de la surface de la terre.
Liberty se figea. Son cœur se serra à ses mots. Les Chapeaux de paille... son équipage. Introuvable. Les mots dansaient dans sa tête. Les conséquences de ces mots étaient puissantes, sourdes.
Elle secoua la tête, comme pour disperser les sinistres pensées qui commençaient à l'envahir.
– Ils ne sont pas morts, dit-elle avec fermeté. Je les connais mieux que quiconque. Ils survivront.
– Et j’attends vos retrouvailles avec impatience," répondit Law, avec une note d'ironie.
Alors, sans un autre mot, il tourna les talons et quitta la pièce.
Liberty se retrouva seule. Seule avec ses pensées. Seule avec la peur qui commençait doucement à se répandre dans son cœur.
Des instants interminables s'écoulèrent, mais elle était encore là, livrée à ses pensées. Son regard vacillait entre colère, chagrin et détermination. Désormais, elle devait penser à un plan pour retrouver son équipage. Des détails de la rencontre avec Law trottait encore dans sa tête. Son refus n'était pas dû à son antipathie, mais parce que son sous-marin était hors d’état. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de sentir un soupçon de préoccupation dans son attitude. Après tout, il lui avait sauvé la vie et veillait a son prompt rétablissement.
Étrangement, la réalisation que Trafalgar Law, le redouté Chirurgien de la mort, s'inquiétait pour sa sécurité lui arracha un sourire. Alors peut-être, se dit-elle en se préparant à dormir, il n'était pas si cruel qu'il en avait l'air.
En sortant de l'infirmerie, Law secoua la tête, essayant de se débarrasser de la présence intrusive de l'étrangère de ses pensées. Il savait qu'il devait rester vigilant. Ils étaient toujours au beau milieu de l'océan, la femme blessée à l'intérieur pourrait très bien être une ennemie, une espionne. Il devait se concentrer sur la suite, comment renforcer la sécurité du sous-marin et comment éviter qu'une telle situation ne se reproduise. Sa première étape – vérifier l'état du sous-marin.

A des milliers de kilomètres de l’infirmerie de Trafalgar Law, l'épicentre du monde se trouvait au cœur de la gigantesque forteresse : le quartier général de la Marine.
Le bureau de l'amiral en chef Sengoku pouvait être qualifié de monument à sa puissance et son autorité. Régnant en maître sur un large panorama de la marine, sa pièce était meublée luxueusement avec un bureau massif en bois de cerisier lustré, bordé d’ornements dorés. Des murs tapissés de cartes détaillées et de plans stratégiques, et une bibliothèque dense parsemée de tomes anciens et de documents importants.
Cette pièce n'avait jamais semblé aussi lourde de tension. En ce moment même, l'amiral en chef Sengoku, le devant de son bureau encombré de papiers, naviguait entre une pile de rapports qui ne semblaient jamais diminuer. Son regard était vissé à un rapport particulièrement épais, ses doigts effleurant le papier avec une précision inquiétante.
Pourtant, malgré la concentration dont il faisait preuve, quelque chose dans l'air changea lorsque Kizaru entra dans la pièce, sa présence lumineuse tranchant brusquement avec l'atmosphère sombre du bureau. Sengoku, la tête encore penchée vers le papier, sentit le changement et redressa la tête pour regarder l'amiral qui se tenait en face de lui.
Depuis son grand bureau en bois sombre, Sengoku glissa ses lunettes de lecture vers le haut de son front, plissant les yeux vers la silhouette dorée de Kizaru. Son visage, d'abord impassible, changea lentement alors que ses yeux balayaient le contenu du rapport qu'il lisait jusqu'à alors.
"Kizaru, gronda Sengoku, sa voix résonnant profondément dans le silence de la pièce, un mélange de déception et de colère difficile à cacher. Tu as attaqué Liberty ? Tu l'as gravement blessée et tu l'as abandonnée à ces pirates !
Kizaru, debout là avec son éternel air désinvolte, se contenta d'un haussement d'épaules.
– Eh bien, Sengoku-san, tu vois, elle ne s'est pas laissée attraper aussi facilement... Et puis, elle est maintenant entre les mains de Trafalgar Law. Je ne m’inquiéterai pas autant si j’étais toi.
La fureur soudaine de Sengoku brisa le calme qui venait de s'installer.
– Kizaru!
Sengoku s'élança hors de son fauteuil, les rapports volant comme s'ils avaient été pris dans une tempête.
– Je ne te l'ai pas simplement suggéré, Kizaru! C'était un ordre de la plus haute importance! Tu devais la retrouver et la ramener indemne!
Il pointa un doigt accusateur vers son sous-officier, les mots semblant plus tranchants en raison de l'amplitude de son indignation.
– Tu oublies visiblement la gravité de cette situation. Le Gorosei a déjà des doutes suite à nos précédents échecs. Et maintenant, à cause de ta négligence, la vie de Liberty est en danger... et ils pourraient très bien exiger ta tête pour cela!
L'air sembla geler pour une minute, Kizaru regardant Sengoku alors que la dernière phrase pesait lourdement sur eux. Mais bien vite, Kizaru repris son air impassible, exhibant un sourire décontracté malgré le danger qui planait sur lui.
– Ne t'inquiète pas, répondit-il, la lueur amusée dans ses yeux en parfait contraste avec la menace qui oscillaient dans l'air. J’ai localisé Trafalgar Law, je vais ramener Liberty. Après tout, ce serait une horreur de perdre ma tête, n'est-ce pas?
Un sourire ensorcelant se dessina sur son visage alors que Sengoku le regardait, un air grave peint sur le sien, la tension montant encore alors qu'ils planifiaient comment éteindre le feu qui s'était maintenant propagé à cause de l'acte irresponsable de Kizaru.

Comme l’horizon se teintait d'une teinte de bleu délavé, l'un après l'autre, tous les membres de l'équipage se retirèrent dans leurs quartiers pour dormir. À l'exception de Louis. Il s'attarda dans le réfectoire, savourant lentement le dernier verre de whisky qu'il avait versé. La lumière de la lune jaillissait à travers les fenêtres et scintillait sur le liquide doré.
Lorsque le silence devint presque oppressant, la porte s'ouvrit brusquement, claquant contre le mur avec un bruit sourd qui résonnait à travers la pièce. Dans le cadre de la porte, une silhouette imposante apparaissait.
Declan.
Declan était le forgeron du navire. Mais pas n'importe quel forgeron. Il était une montagne de muscles et de force brute. Sa carrure était intimidante ; il était incroyablement musclé avec des bras grossiers qui ressemblaient à des troncs d'arbre. Le voir déshabillé revenait à contempler une sculpture vivante de muscles parfaitement définis et d’une peau d'un brun chaud couverte d'une fine pellicule de sueur.
Dans la trentaine, il portait la marque des années passées à la forge ; des cicatrices parsemaient son corps et ses mains étaient calleuses. Néanmoins, malgré son apparence robuste, ses yeux d’un bleu profond étaient étonnamment doux, contrastant avec le reste de son apparence.
Il portait la traditionnelle combinaison de l’équipage orange, ample sur ses jambes puissantes mais serré sur ses hanches. Le haut était déboutonné et retombait dans son dos. Un tablier de cuir noir, marqué par le feu et l'usure, le couvrait jusqu'à mi-jambes. Sans chemise, son torse nu était exposé, dévoilant ses pectoraux touffus et son abdomen sculpté. Ses cheveux sombres, hirsutes et un peu touffus lui donnait un air sauvage. Une barbe de quelques jours recouvrait son menton, accentuant les traits squares de son visage.
Il avait un rire contagieux, sa voix était une basse profonde et son sourire était étincelant. Oui, Declan était dur comme le fer qu’il manipulait, mais il avait une âme aussi douce que l'or.
Sortant de sa pensée, Louis le regarda entrer avec un sourire.
"Declan, mon gars. Tu es en retard pour le dernier verre, lui dit-il en levant le sien.
Declan inclina la tête en grattant l'arrière de son cou, un sourire contrit sur ses lèvres.
– J'étais occupé à la forge, Lou. On ne peut pas tous passer nos nuits à boire du bon whisky, répondit-il en s'avançant dans le réfectoire.
Il ouvrit un coffret à côté de l'entrée et en sortit une bouteille d'un liquide ambré dont l'éclairage tamisé faisait ressortir les reflets. Avec un sourire, il la tendit à Louis.
– C'est quelque chose de spécial directement de la maison O’Brien. A boire avec modération.
Le visage de Louis s'illumina à la vue de la bouteille.
– Je dois dire, Declan, tu sais comment te faire pardonner ton retard.
Puis, avec une précision née de la pratique, il remplit soigneusement deux verres du précieux liquide. Il en poussa un en direction de Declan qui avait pris place à côté de lui au comptoir.
Pendant quelques moments, ils savourèrent leur boisson en silence, l'atmosphère lourde de camaraderie. Puis, Louis renversa le reste de son whisky dans sa bouche, savourant l'arôme riche et le feu qui embrasait sa gorge.
– Alors, Declan, comment ça se passe à la forge?
Declan esquissa un sourire avant de répondre :
– Longue journée, Lou. Il y a toujours quelque chose à faire sur ce vaisseau.
Il leva son verre, ses yeux refletant la lueur de la lune.
– Mais j'ai réussi à réparer cet engrenage sur lequel tu me tanais.
– Tu ne sembles pas satisfait pour autant.
Declan joua quelques instants avec le liquide ambré au fond de son verre avant de se décider à confier la nature de son problème. Louis lui prêta une oreille attentive.
– Tu te rappelles l’épée brisée?
– Celle de notre “invitée”? S’enquit Louis dans un froncement de sourcils.
– Ouaip. Eh bien, j’ai tenté de la réparer car je me suis dit que cette nana devait vouloir la récupérer. Mais pour la première fois de ma vie de forgeron, j’ai échoué.
Comment ça échoué?! Louis ne comprenait pas ce que les propos de Declan impliquaient jusqu’à ce qu’une voix familière et impérieuse retentisse. Dans un même ensemble, les deux hommes pivotèrent vers son propriétaire.
D’un pas lent et nonchalant, Trafalgar mangea la distance les séparant pour s’immobiliser à leur table. Fixant Declan avec un regard de braise, Law demanda, sa voix recelant une note d'agacement camouflé,
– Declan, qu'entends-tu par “échoué”?
Declan rencontra le regard perçant de son capitaine sans broncher. Il semblait perdu dans ses pensées, mal à l'aise, comme s'il n'avait jamais prévu de partager cette défaillance avec l'équipage. Mais Law pouvait être très insistant lorsqu'il s'agissait des affaires du navire, et il savait que refuser une explication serait futile.
– Je…, commença-t-il avec hésitation. Je ne sais pas par où commencer, Capitaine. Lorsque j'ai tenté de réparer l’épée, toutes les techniques que j'ai utilisées se sont avérées inefficaces. C’est comme si l'épée résistait à mes efforts, comme si elle refusait de se laisser réparer. C’est une sensation que je n’ai jamais ressentie auparavant.
Le silence s’abattit dans la pièce après la confession de Declan. Louis regardait la table, une expression de confusion sur le visage. Law, quant à lui, contemplait Declan, ses yeux d’acier sondant l’homme à la recherche de la moindre trace de mensonge.
– Une épée qui refuse de se laisser réparer, hein?
Il murmura plus pour lui-même que pour les autres, puis il se tourna vers Declan, un sourire taquin tirant ses lèvres.
– C'est une première pour toi, n'est-ce pas?
Declan grimaça.
– Oui. C'est la première fois que je rencontre une chose pareille. Je ne sais pas vraiment comment le prendre.
– Déconcertant.
Law accueillit l'aveu avec un hochement de tête. Ses yeux poursuivaient l'analyse de Declan, ce dernier devenant de plus en plus mal à l'aise sous son regard.
Finalement, Law leva sa main, son index traçant un cercle dans l'air.
– Peut-être qu'elle nécessite d'être réparée en utilisant une technique que tu ne connais pas encore.
Les yeux de Declan s'élargirent alors qu'une lueur d'espoir s'allumait dans son regard. Louis, de son côté, avait saisit le sens des paroles de Law et son regard se mit à briller d'anticipation.
– Dans tous les cas, continua Law avec un éclat malicieux dans les yeux, il semble que nous ayons une intrigue à résoudre. Et quelque chose me dit que c'est loin d'être une simple épée brisée.
En laissant ces mots flotter dans l'air, Law s'empara du verre restant de whisky et le leva en un toast silencieux avant de l'avaler cul sec. Il reporta son attention sur ses compagnons juste à temps pour voir le regard reconnaissant de Declan et le sourire perplexe de Louis.
– Oui, murmura Law en contemplant son verre vide. Je sens que cette histoire est loin d'être terminée."
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