Chapitre 10 : Les cristaux des abysses

Inconscient de la présence de son chef mécanicien, Law attrapa sa tasse de café dont il savoura quelques gorgées tandis que son cerveau analysait déjà les faits.

 

L’attaque du calmar géant ne revêtait aucunement un caractère extraordinaire. Ce qui l’était, cependant, s’avérait être, la disparition totale de l’électricité du sous-marin. D’accord, il voulait bien croire à une défaillance, mais cette conclusion n’était pas cohérente avec leur situation. En effet, l’énergie complète, jusqu’au plus petit appareil en usant, avait été volée. Oui, mais par quoi ? Seuls au fond de l’océan, les explications étaient moindres.

 

Mais ce qui choquait le plus, résidait assurément, dans le fait que tout le courant était revenu comme par magie. Non, se corrigea-t-il mentalement en abaissant ses prunelles cendrées sur les dires d’Arkan. Le courant leur avait été rendu par une entité étrange. Cette existence aussi étrange que farfelue l’intriguait. Hélas, il devrait se contenter des mots noircissants le papier.  En tout cas, il aurait aimé entrevoir cette chose. Et cela lui coûtait de le reconnaître, mais elle était leur sauveuse.

 

Alors qu'il griffonnait des notes sur un feuille, un toussotement interrompit ses réflexions.

 

"Capitaine, dit Louis d'une voix rauque mais forte. J'espère que je ne dérange pas.

 

– Non, Louis, répondit Law en tournant sa chaise pour faire face à son fidèle compagnon. Qu'y a-t-il?

 

Le chef mécanicien esquissa un sourire amer.

 

– Je suis venu pour discuter de la situation. Les choses ne sont pas aussi bonne que je le pensais. Il nous faut réparer au plus vite avant de poursuivre notre traversée. Le Polar Tang ne résistera pas à un combat.

 

Le visage de Law resta impassible, alors que ses yeux traduisaient son inquiétude croissante. Se levant de sa chaise, il se dirigea vers un grand casier dans le coin de la pièce et en sortit un rouleau de parchemin. Avec un mouvement habile de la main, il déroula la carte sur son bureau, les yeux fixés sur les lignes et symboles qui représentaient le monde connu.

 

Il leva le doigt et traça un chemin sur la carte, marquant un arrêt au port le plus proche.

 

– Les réparations d'abord, dit-il simplement. Il faut que le sous-marin soit à nouveau opérationnel avant que nous ne puissions envisager quoi que ce soit d'autre.

 

Louis hocha la tête en signe d'approbation.

 

– C'est ce que j'avais en tête, Capitaine. 

 

Il y eu une pause avant que Louis ne prenne une grande inspiration.

 

– Et Arkan ? Comment va-t-il ?

 

Law se tourna pour faire face à Louis, une simple expression dans ses yeux répondit à la question.

 

– Il se rétablit plus vite que je ne laurai espéré.

 

Un silence pesant s'installa entre eux deux. Finalement, Louis hocha la tête une fois de plus avant de tourner les talons pour quitter la pièce. La porte se ferma avec un léger "clic", laissant Law seul avec ses pensées.

 

Il se rassit lentement dans sa chaise, ses yeux fixés sur la carte devant lui. Les réparations étaient la première étape. Mais la présence de son invitée sur le sous-marin compliquait les choses. 

 

Sa réflexion fut interrompue par un coup frappé à la porte. Lorsqu'il tourna la tête, le battant s'ouvrit et un de ses hommes d'équipage apparut, le souffle court.

 

– Capitaine, le Heart commença, haletant. Il y a quelque chose que vous devriez venir voir."

 

La porte se referma derrière l'homme, laissant Law seul dans la pièce une fois de plus. Mais cette fois, la situation avait changé. Quelque chose se passait…

 

Coupant court à ses pensées, Law se leva rapidement de sa chaise et sortit du bureau, laissant son bureau et la carte derrière lui.

Sur le Polar Tang, l'heure du petit déjeuner touchait à sa fin. Les derniers relents de café flottaient calmement dans l'air, tandis que les matelots s'attelaient aux tâches matinales. Cependant, l'attente du briefing du capitaine rendait l'atmosphère plus tendue que d'habitude. Chacun se préparait mentalement à ce qui allait être dit – qu'il s'agisse de consignes concernant la mystérieuse invitée, ou même d'une explication concernant l'apparition étrange de l'entité invisible.

 

Leurs suppositions furent interrompues lorsque Law entra à nouveau dans la salle. Ses pas résonnaient à travers le réfectoire alors qu'il se plaçait au centre de la salle, ses yeux balayant l'assemblée silencieuse.

 

« Nous avons quelques choses à régler, commença-t-il, sa voix calme coupant à travers le silence persistant.

 

L'attention de tout le monde se tourna immédiatement vers lui, leurs conversations précédentes s'évaporant comme des rêves au lever du jour.

 

– Premièrement, nous changeons de cap. Nous nous dirigeons vers l'île Lauriposa.

 

Le murmure d'étonnement bourdonna brièvement dans la salle avant d'être étouffé par un regard sévère de leur capitaine. Lauriposa était une île isolée notoire pour son port de réparation de qualité supérieure. C'était aussi une île neutre, ce qui signifiait que même en temps de guerre, elle accueillait n'importe qui.

 

Puis, avec calme, il glissa une main dans la poche de son pantalon et en extirpa quelques cristaux, leur teinte bleue scintillant à la lumière du jour.

 

Il les plaça au cœur de la table, ce qui attira instantanément l'attention de tous.

 

– Nous avons trouvé ça collé à la coque du sous-marin, poursuivit-il, sa voix faisant écho dans le silence de la salle.

 

Immédiatement, un chuchotement de confusion balaya la pièce, puis fut rapidement étouffé par la main de Law qui effleura doucement l’une des pierres.

 

– Ce ne sont pas des cristaux ordinaires. Ils sont chargés d'énergie et sont fait de la même matière que celle que j’ai prélevé sur le corps d’Arkan.

 

L'incompréhension se changea en stupéfaction alors que tout le monde regardait les cristaux avec une nouvelle appréhension. Les questions commencèrent à affluer, l'équipage cherchant à comprendre l'origine de ces mystérieux cristaux et ce qu'ils signifiaient.

 

Juste au moment où les matelots commençaient à comprendre la gravité de la situation, Law eut un geste de la main pour apaiser la confusion.

 

– Bepo, éteins les lumières.

 

Alors que tout le monde regardait Bepo en attente, l'ours polaire se dirigea vers le panneau de commandes.

 

Un silence tendu s'installa alors que la main de Bepo se posa sur l'interrupteur. Avec un attendrissement brutal, les lumières se turent, plongeant la pièce dans une obscurité presque totale.

 

Les ténèbres qui s'abattirent sur eux étaient si épais et si complets qu'on aurait pu croire qu'une ombre avait été jetée sur toute leur présence à bord du navire.

 

Law, debout dans l'obscurité, balaya tranquillement la pièce du regard. Même dans la pénombre, on pouvait voir le reflet de détermination dans ses yeux. Il avait l'immense responsabilité d'éclairer la voie de son équipage en ces temps incertains, et il n'était pas sur le point de la renier.

 

Tandis que l'obscurité emplissait la pièce, un bras tendu vers les cristaux bleus, qui glissèrent entre ses doigts. Une lueur grandit soudain, émanant des cristaux, éclairant faiblement leurs visages curieux.

 

- Ces cristaux… Law commença, sa voix résonnant dans l'obscurité. Peuvent absorber, emmagasiner et libérer l'énergie. Pourtant, j’ignore d’où ils sortent. Ma seule conclusion, pour le moment, est que la chose qu’Arkan a vu dans les abysses en est à l'origine.”

L'après-midi s'écoulait lentement, les rayons du soleil se réchauffaient doucement dans le ciel qui se teintait d'une nuance de corail avec le crépuscule approchant. La nuit tombait en silence, laissant place à une atmosphère de quiétude tranquille. La lueur des étoiles venait à peine de transpercer l'obscurité nocturne, leurs lumières scintillantes brossant une toile de rêves.

C'est alors qu'elle le vit. Une silhouette s’avançait lentement depuis l’entrée de l’infirmerie. Les détails de sa conformité restaient cachés par les ombres. Cependant, dès que l’homme s’approcha suffisamment du lit, le clair de lune d’argent baignant son visage stoïque et ses yeux focalisés ne pouvaient être trompés. C'était Trafalgar Law


Le Chirurgien de la Mort se tenait devant elle, une expression énigmatique collée au visage. A la seule vue de cet homme, la brune tenta aussitôt de se redresser contre ses oreillers.

 

Mais, à peine essaya-t-elle de bouger qu’une vague de souffrance la submergea. Elle étouffa un cri et retomba sur le matelas. Ses blessures la faisaient atrocement souffrir. À son épaule, elle sentait le sang qui s’infiltrait dans son bandage, formant une tache rougeâtre. À son abdomen, elle voyait les agrafes qui maintenaient sa plaie fermée, mais qui lui lacéraient la chair à chaque mouvement. Elle se demanda comment elle avait pu survivre à une telle blessure.

 

"Reste couchée ! Ordonna-t-il de sa voix froide tout en prenant une seringue.


- Comme si je pouvais bouger de toute façon..., grinça-t-elle en obéissant.

 

Il esquissa un sourire railleur avant de se détourner brusquement. Ebahie, elle le regarda rejoindre l’homme aux cheveux argentés et toujours inconscient. Il la délaissait pour un autre ? Non, pas tout à fait, se baffa-t-elle mentalement. Cet homme n’était pas n’importe qui. Il était l’un de ses hommes. Quoi de plus normal que de s’occuper de lui avant une étrangère et potentiellement ennemie. Oui, elle ne devait pas oublier qu’elle se trouvait en territoire hostile. A sa place, elle agirait de la même manière.

 

Un sourire plein de sarcasme naquit sur les lèvres de Law pendant qu'il allait s'occuper de son subordonné, se trouvant à l'autre bout de la pièce. Elle se sentit soudainement délaissée. L'indignation jaillit comme un éclair.

- Sur tes gardes, médecin de pacotille, ironisa-t-elle. C’est ton amant, là ?

Trafalgar lui lança un regard froid mais ne daigna pas répondre. Elle sourit, son accusation semblait l'avoir touché.

- Oh, il semblerait que j’ai touché un point sensible. Que c’est adorable ! Un pirate qui s’inquiète pour ses petits camarades. Qui aurait cru que le célèbre Chirurgien de la Mort préférait les hommes, railla-t-elle, savourant l’apparent malaise imprimé sur le visage du ténébreux.

Ignorant son babillage provocateur, Law revint à ses côtés, ses pas mesurés frappant dans son sillage un froid morbide. Il s'arrêta, ses yeux perçants la fixant sans détour.

- Tu devrais te garder de tes remarques insolentes, cracha-t-il, un voile de menace encerclant ses mots. Mon seul souci est d’assurer la survie de mon équipage, alors garde ta curiosité maladive pour toi-même.

Elle leva les yeux au ciel, alors que le brun reprenait son inspection silencieuse. Il vérifia son pouls, sa température, sa respiration, avant de conclure.

- Tu te rétablis bien, mais tente de quitter ce lit et je te garantie que tu n'auras jamais connu une douleur semblable. Sur ce, je suggère qu'on garde le silence, cela te permettra de te reposer et me préservera de tes inanités, ajouta-t-il en la défiant du regard.

Son sourire prit une teinte de défi alors qu'elle se débattait pour trouver la réplique parfaite. Décidément, les joutes verbales avec lui allaient être bien plus excitantes qu'elle l’avait imaginé.

 

Owen pénétra alors dans la pièce, des pansements et une bassine d'eau à la main. La nouvelle patiente se sentit exaspérée par cet intrus dans ce qu'elle considérait maintenant comme son propre espace. L’assistant répondit avec un sourire d'une douceur calme, travaillant en silence tout en jetant de fréquents regards vers Law. Perplexe, la brunette fronça les sourcils.

L’infirmier se déplaçait avec assurance. Il remplaça les pansements sales, nettoya les blessures et apporta le réconfort – des mains douces, des gestes précis. Il semblait y avoir une connexion invisible entre ceux de son équipage, même dans leurs moments les plus sombres. La brunette en resta ébahie.

Une fois son travail terminé, il quitta la pièce en lançant un dernier signe de tête à Law avant de fermer doucement la porte derrière lui. L'insolence de la brunette avait déserté, la laissant dans un silence pesant. 

 

Intrigué par le renoncement soudain de la jeune femme à se moquer de lui, il ramena ses yeux vers elle. Elle semblait encore plus pâle à la lumière de la lune, ses cheveux noirs se répandant sur l'oreiller comme une cascade, contrastant fortement avec la blancheur de son visage, ses yeux, quant à eux, étaient perdus dans un rêve lointain.

- Quel est ton nom? rompit-il le silence avec sa voix grave.

La jeune femme sembla légèrement prise au dépourvu par sa question. Un sourire en coin se dessina sur son visage alors qu'elle revenait à la réalité.

- Oh, tu veux savoir mon nom ?

Elle marqua une pause, comme si elle pesait les pour et les contre de lui révéler son identité. Puis, un éclat malicieux dans les yeux, elle répondit d'une voix douce.

- C'est Liberty. Et par qui ai-je eu l'honneur de m'être fait soigner?

 

Elle connaissait la réponse, mais avait décidé de samuser un peu.


Son nom. Le son de sa voix prononçant son nom envahit la pièce avec une étrange douceur malgré l'arrogance qui s'y cachait. Law se pencha légèrement en arrière contre la chaise, ses yeux sombres plongeant directement dans ceux de la brune. Il y avait quelque chose dans la façon dont elle le regardait, défiante mais curieuse, qui le forçait à réévaluer l'étrangère qui reposait dans son infirmerie.

Il sourit légèrement, son sourire habituellement sombre prenant une teinte moqueuse. Ses yeux s'accrochèrent aux siens alors qu'il répondait d'un ton traînant :

 

Le nom que tu cherches... C'est Trafalgar.

Il laissa un lien de silence suspendu dans l'air avant de reprendre, savourant l'air incertain qui s'était installé sur le visage de Liberty.

 

Et à la question de savoir si tu veux que je te le dise ou que je te le montre, continua Law, un sourcil sarcastiquement levé, cela dépend entièrement de toi.

Ses mots, aussi simples et directs soient-ils, portaient une onde de froideur menaçante. Sa voix grave, sa réplique dévastatrice et l'ombre que sa silhouette projetait dans la pénombre ajoutaient une touche séduisante à la scène, faisant de lui le parfait anti-héros.

La réponse de Law sembla dissiper toute confusion chez Liberty. Un sourire s'étira lentement sur son visage qui, à la lumière de la lune, avait maintenant l'air presque angélique. Elle le regarda fixement avant de rire doucement, son rire semblant être la seule lueur de réconfort dans la tension inexprimée qui flottait dans la pièce.

Elle contempla le sombre docteur avec des yeux rieurs, ses lèvres se courbant en une expression de défi.

 

Eh bien, Trafalgar, dit-elle lentement. Ton audace est tout à fait...intrigante. Mais sache que je ne suis pas le genre de femme à être impressionnée par une belle gueule et de jolies paroles.

Sa réponse, teintée d'un mélange de défi et de dérision, balaya la tension de la chambre, laissant derrière elle un sentiment de paix calme. Distraitement, Law la trouva intrigante, et - il devait l'admettre, même en silence - tout à fait rafraîchissante.

 

Le silence se prolongea un certain temps, aucun des deux protagonistes ne voulant le rompre. Cela permit à Liberty de rassembler ses idées et de revenir à la charge avec la question qu’elle retenait depuis le début.

Quand comptes-tu me ramener à Shabaody ? J'ai besoin de retrouver mon équipage, demanda-t-elle, essayant de maintenir une expression neutre.

Le regard de Law sembla se durcir à sa question. Il prit une profonde inspiration, comme s'il se préparait à livrer une mauvaise nouvelle. Finalement, sa voix grave résonna dans l'infirmerie.

Son refus fut catégorique.

 

Mon navire n’est pas un taxi, Liberty-ya.

 

Son ton froid la fit tressaillir. Le regard de Law était insondable, son visage impénétrable. Mais elle pouvait discerner la détermination non voilée derrière ses mots.

Liberty se raidit à ses paroles, son visage restant imperturbable.

 

Je ne suis pas une passagère clandestine. C’est vous qui m’avez embarquée !

Il hocha la tête, tentant de ne pas montrer à quel point sa réplique l'avait déconcerté.

 

C'est vrai. Et pour rappel, tu es gravement blessée.

Elle leva les yeux au ciel, secouant la tête avec frustration.

 

J’en ai vu d’autres, Trafalgar. Et je peux très bien me débrouiller.

Il se tut un moment, l'observant calmement.

 

Peut-être, répondit-il finalement, mais mon sous-marin est endommagé. Il n'est plus en état de faire face à un assaut ennemi si nécessaire.

Et que fait-on alors? demanda-t-elle, une lueur combative illuminant ses yeux. Attendez-vous que je guérisse, quand bien même mon équipage pourrait être en danger?


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